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et « le pique exactement au-dessous de l’oreille. » « Je n’avais jamais eu l’intention de le tuer, conclut Cellini, mais, comme l’on dit, on ne mesure pas ses coups. » Cellini ment affreusement, car deux lignes plus haut, il a spécifié avoir donné deux coups de poignard. Or quand on frappe un homme de deux coups de poignard au cou, ce n’est point seulement pour lui faire peur. À Sienne, autre aventure tragique. Une discussion s’engage avec un maître de poste au sujet de quelque réclamation. Injures et menaces de part et d’autre. Cellini a une arquebuse à la main, le maître de poste saisit un esponton. Benvenuto, qui est à cheval et n’est point après tout sérieusement menacé par une demi-pique, abaisse son arme ; l’homme tombe raide mort. « L’arquebuse était partie d’elle-même. »

Il n’y a pas toujours mort d’homme dans les colères et les vengeances de Benvenuto. Il est parfois bon prince et se borne à « de petites vendettas. » Un hôtelier de Chiogina s’obstine à être payé d’avance. « J’en fus si irrité, raconte Cellini, que je ne pus fermer l’œil de la nuit, rêvant une vengeance exemplaire. » Il songea d’abord à mettre purement et simplement le feu à la maison, ensuite à égorger quatre bons chevaux que l’hôte avait dans son écurie. Plein de mansuétude cette nuit-là, il se contenta de découper avec un petit couteau a affilé comme un rasoir » les couvertures, draps, matelas, courtines de cinq ou six lits. « Je fis, dit-il. pour plus de cinquante écus de dégâts. » Quand François Ier lui donna le Petit-Nesle, il commença par acheter « quantité d’armes de hast » comme si Paris fût en état de siège. Il allait s’en servir. Dans les dépendances de ce château demeuraient des gens de différentes professions, un imprimeur, un parfumeur, un fabricant de salpêtre. Il leur enjoignit de déguerpir dans les trois jours. Ces individus, qui se croyaient des droits, refusèrent. Alors Cellini arme ses ouvriers, démolit les maisonnettes et jette à la rue les meubles en fort mauvais état. L’un de ces hommes eut le mauvais goût de lui intenter un procès. Cellini l’alla trouver et le frappa de tant de coups, en prenant soin cependant de ne pas le tuer, a qu’il en resta estropié des deux jambes. » Ces argumens véritablement ad hominem arrêtèrent le procès. Benvenuto avait un élève de quatorze ans, Ascanio, « qui était le meilleur serviteur du monde. » Cet enfant lui ayant répondu de travers, il se jette sur lui et l’assomme de coups de poing et de coups de pied. Un autre petit apprenti commet quelque sottise ; il lui donne un tel coup de pied qu’il l’envoie rouler à plus de cinq mètres, jusque sur François Ier, qui entrait en ce moment dans l’atelier « et qui s’amusa beaucoup de la chose. » Sa maîtresse, la belle Catherine, le trompe avec un de ses élèves, nommé Pagolo. En premier lieu, Cellini