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communes, même celles qui ont déjà des maisons scolaires, à emprunter pour construire ces écoles nouvelles rêvées par M. Jules Ferry et par les partisans de l’enseignement laïque, de réduire ses adversaires au silence sous prétexte qu’ils défendent la « liberté de l’ignorance. » La raison d’état, voilà qui est bien ; mais alors ce n’était pas la peine de renverser l’empire pour reprendre aussitôt ses traditions et ses procédés. Il y a mieux; il ne faut pas même s’arrêter au dernier règne napoléonien, il faut remonter au premier empire, à cette époque où Napoléon imposait, lui aussi, son enseignement d’état et avait, lui aussi, son catéchisme officiel, qui ressemblait au manuel d’instruction civique du temps présent. C’était l’empire autrefois, c’est aujourd’hui la république; au fond, la doctrine est la mène, et M. Goblet avait certes raison de dire l’autre jour : « Si la république devait être cela, si les droits des citoyens devaient être remis entre les mains des agens de l’administration, en vérité, elle serait peu défendable... » C’est là cependant que conduit cette prétendue politique républicaine, mélange d’esprit de secte et de médiocrité confuse, qu’on veut imposer comme la loi souveraine, qui n’a jusqu’ici d’autre résultat que de laisser la France fatiguée, excédée dans sa vie intérieure, affaiblie dans son rôle extérieur. C’est là qu’on en est venu, à cette fin assez morose, assez vulgaire de l’année 1882, et il faut évidemment revenir à d’autres idées, à d’autres traditions, à un plus pur sentiment de la liberté et du droit, si l’on veut que, dans l’année nouvelle qui s’ouvre, la république soit « défendable, » selon le mot de l’ancien ministre, que la France retrouve sa sève vivace et généreuse.

Cette année qui s’achève plus ou moins heureusement pour tout le monde, elle n’a pas vu, dans tous les cas, s’accomplir sur notre vieux continent civilisé de ces événemens qui sont une date de l’histoire, qui bouleversent ou renouvellent la société européenne. Elle a commencé dans la paix, elle finit dans la paix, sans avoir connu les grands conflits, les complications qui ont troublé d’autres époques. Ce n’est pas, sans doute, que tout soit pour le mieux en ce monde, que les relations des gouvernemens et des peuples soient tellement simples et faciles que toutes les crises soient impossibles. Elles renaîtront peut-être un jour ou l’autre, ces crises, elles pourront renaître des situations contraintes et forcées, des antagonismes mal déguisés, du mouvement fatal des choses, de toutes ces questions que l’année 1882 n’a point créées, qu’elle lègue à une année nouvelle. Pour le moment du moins on n’en est pas là, et s’il faut tout écouter, il ne faut rien grossir dans tous ces bruits de polémiques, de guerres de plume qui se reproduisent périodiquement en Europe au sujet des alliances qui se nouent ou se dénouent, des combinaisons qui se préparent.

C’est une tradition presque invariable : de temps à autre, les Allemands