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et celui du Collège de France, qui jusqu’alors n’avaient point pris part aux recherches minérales synthétiques, sont venus aussi apporter un appoint considérable à ce genre d’études. Dans le premier, M. Friedel, reprenant et perfectionnant la méthode de Sénarmont, a reproduit l’orthose soit seul, soit accompagné de quartz, par voie aqueuse, à haute température, sous pression. Dans le second, les autres feldspaths, dont la synthèse n’avait pas encore été réalisée, ont été obtenus par voie sèche dans des conditions particulières qui rehaussent la valeur de l’expérience. Essayons en quelques lignes de retracer les principaux traits de ces deux séries de travaux.

La nature offre l’orthose dans plusieurs sortes de gisemens; on l’observe dans des roches volcaniques qui ont été rejetées à la façon des laves et où sa formation a eu lieu évidemment dans un magma fondu, analogue à celui dans lequel M. Hautefeuille est parvenu à le faire artificiellement cristalliser; mais on le rencontre aussi dans les filons métallifères, associé à des minéraux dont l’origine aqueuse n’est pas moins incontestable. C’est à l’orthose de cette dernière catégorie de gisemens que répond le produit cristallisé réalisé par M. Friedel. L’expérience offre donc un grand intérêt au point de vue géologique ; elle se fait en chauffant au rouge sombre, en vase clos, pendant plusieurs jours, un mélange de silicate de potasse, de silicate d’alumine et d’eau. On recueille à la fin de l’opération une poudre cristalline composée d’un mélange d’orthose et de quartz; les cristaux sont assez volumineux pour être soumis aux mesures goniométriques et identifiés par toutes leurs propriétés aux diverses variétés du produit similaire naturel.

Les feldspaths reproduits dans le laboratoire du Collège de France ont été obtenus par fusion de leurs élémens et recuit consécutif, pendant quarante-huit heures, à une température convenable, du magma vitreux qui se forme ainsi. La température de l’opération doit être inférieure à celle à laquelle fond le minéral cristallisé, mais elle doit être assez élevée pour ramollir le magma de même composition. Il faut donc que le creuset dans lequel se fait le recuit soit soumis à une forte chaleur et que cette chaleur soit maintenue longtemps dans des limites exactement déterminées. C’est ce qui fait la difficulté de l’opération. On arrive à obtenir des températures élevées et sensiblement fixes en réglant le jet de gaz d’éclairage dont la combustion sert à chauffer le fourneau et l’apport de l’air qui fournit l’élément comburant. Le culot qui résulte de la fusion simple des élémens d’un feldspath est constitué, avant le recuit, par un verre limpide et transparent; après recuit, il forme au contraire une masse blanche opaque, semblable à un émail; il a subi une transformation complète. A l’œil nu, et même à la loupe, on