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à la surface des cristaux de sulfure; la réduction continuant, les aigrettes deviennent des fils qui s’allongent et grossissent aux dépens de l’argent sans cesse mis en liberté par l’hydrogène; au bout de quelque temps, tout se transforme en longs rubans contournés en spirale, entremêlés de petits fils ressemblant à des cheveux d’une extrême finesse.

La méthode de cristallisation par fusion, pratiquée par Berthier, a également été mise en usage par Sainte-Claire Deville et par ses élèves, et leur a fourni de remarquables résultats. Cependant, dans le laboratoire de l’École normale, elle n’a jamais été employée dans sa simplicité primitive. Les silicates fondus ne donnent après recuit et refroidissement que des cristaux de petite taille, intimement soudés les uns aux autres, et l’on voulait avant tout des échantillons assez volumineux et assez isolés pour être soumis aux manipulations goniométriques. Une modification au procédé de la fusion simple permet de tourner la difficulté. Aux matériaux que l’on veut faire cristalliser on ajoute une matière facilement fusible et soluble dans l’eau. Le mélange, porté au rouge, fond, et des cristaux prennent naissance dans le bain incandescent, comme au sein d’un liquide ordinaire ; puis, après refroidissement, on lave à l’eau chaude le culot qui s’est formé et on le désagrège ; alors, les cristaux dégagés du magma qui les enveloppait s’isolent et se déposent. Ce procédé, jadis inauguré par Berthier, venait d’être en 1852 employé avec succès par Manross en Allemagne et par Forchhammer en Danemark, mais il était réservé à Sainte-Claire Deville et à ses élèves de montrer tout le parti que l’on en pouvait tirer. Le travail de Sainte-Claire Deville et Garon sur les apatites et les wagnérites doit notamment être considéré comme un modèle dans ce genre de recherches.

L’apatite commune est un minéral très répandu dans la nature et très important au point de vue agricole; car c’est de lui ou des produits de sa décomposition que provient l’acide phosphorique qui entre dans la composition des céréales. L’analyse chimique signale parmi ses élémens intégrans le chlore, le fluor, l’acide phosphorique et la chaux. Les minéralogistes désignent sous le nom de wagnérite un minéral beaucoup plus rare, renfermant les mêmes élémens que l’apatite, mais en d’autres proportions et avec cette différence que la magnésie y remplace la chaux. L’apatite et la wagnérite ont des formes essentiellement différentes. Elles n’appartiennent même pas à un système cristallin unique. Les matériaux chimiques de ces minéraux furent fondus avec un excès de chlorure de sodium par Sainte-Claire Deville et Caron. Après refroidissement du culot, le chlorure de sodium ayant été enlevé par un