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qu’en petite quantité dans la nature, a donc pu servir à la formation de beaucoup de minéraux; il a suffi pour cela, qu’après avoir contribué à faire naître des cristallisations en un point, il ait été transporté dans un autre milieu, également favorable à la reproduction des mêmes phénomènes. Les expériences de Sainte-Claire Deville et de ses principaux élèves, Debray, Troost, Hautefeuille, se sont ensuite étendues à d’autres faits analogues et ont eu pour résultat de prouver qu’il existe plusieurs substances douées, comme l’acide fluorhydrique, de la propriété d’engendrer, sous un petit volume, une suite indéfinie de cristallisations. Ces corps ont reçu de lui le nom significatif de minéralisateurs; ce sont, en effet, les agens naturels qui ont présidé à la production d’un grand nombre de minéraux des filons et des roches.

Cette importante série d’expériences semblait terminée lorsqu’une question nouvelle surgit tout à coup. On se demanda si la présence d’un minéralisateur était nécessaire pour produire à haute température la volatilisation apparente d’un corps fixe. C’est encore à l’expérimentation que le savant chimiste fit appel pour résoudre la question. La réponse ne se fit pas attendre. Certains corps fixes, chauffés au rouge blanc dans des courans de gaz inertes, semblaient, sans intervention d’aucun minéralisateur, subir une distillation véritable. Quelle explication donner à de tels faits? Les corps réputés fixes n’étaient-ils en réalité que des substances douées d’une faible volatilité? Cette solution était séduisante par sa simplicité même; pourtant elle n’était pas la vraie. Sainte-Claire Deville démontra que le phénomène était plus complexe. Il fit voir que les corps à élémens chimiques multiples sur lesquels on opérait se décomposaient par l’effet de la température élevée à laquelle on les exposait, qu’ils se séparaient en élémens volatils, et que ceux-ci, se répandant dans les parties moins chaudes de l’appareil, se recombinaient pour donner de nouveau naissance au composé primitif. Ce n’était donc pas la matière soumise à l’expérience, mais seulement les élémens plus simples résultant de sa dissociation qui subissaient une vaporisation à haute température. L’acte de la cristallisation était ainsi précédé d’un phénomène nécessaire dont il ne restait aucune trace à la fin de l’opération.

Les dissociations à l’examen desquelles nous venons de voir Sainte-Claire Deville conduit par le besoin de résoudre un problème relatif aux synthèses, sont bientôt devenues entre ses mains un sujet d’études capital. La question, considérée dans toute sa généralité, forme aujourd’hui l’un des chapitres les plus importans de la chimie minérale, et les données sur lesquelles elle repose constituent l’un des plus beaux titres de gloire du savant qui les a fait