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400,000 mahométans contre 460,000 Grecs orientaux et 135,000 catholiques[1].

L’église grecque orientale de Bosnie est divisée en trois diocèses : Serajewo, Zwortiik: et Novi-Bazar, dont les évêques ou métropolitains, ainsi que celui de Mostar, qui a dans sa juridiction l’Herzégovine, sont nommés par le patriarche de Constantinople sur la proposition du saint-synode et confirmés par la Sublime-Porte; ces évêques sont toujours pris, comme c’est la règle dans leur église, parmi les moines qui doivent rester célibataires, tandis que les parochs ou curés peuvent se marier. Comme je l’ai dit plus haut à propos de ma visite au curé grec de Techanj, le fanatisme turc s’est particulièrement attaqué, dans ces derniers temps, aux monastères grecs orthodoxes, et, à l’heure qu’il est, ils sont presque tous ruinés et abandonnés. Peut-être cet acharnement spécial contre les orthodoxes vient-il de ce qu’on leur reproche généralement dans les pays turcs de commettre des abus nombreux et de trafiquer trop souvent de leurs pouvoirs spirituels ; mais, comme dit un auteur qui s’est occupé de la question[2], « la faute est moins aux individus qu’au système. » Le clergé grec a pour chef un patriarche qui réside à Constantinople et qui devient nécessairement une sorte de fonctionnaire turc, plus occupé de défendre ses privilèges que ses coreligionnaires bosniaques, qui sont bien loin et qu’il ne connaît pas, tandis que les chefs du clergé catholique, comme nous le verrons tout à l’heure, résident au milieu de leurs ouailles, vivent de leur vie et sont leurs intermédiaires nécessaires avec les autorités musulmanes de la province.

Les chrétiens du rite grec sont surtout agglomérés dans le sud, près du Monténégro et le long de la frontière de Serbie; cette circonstance s’explique aisément par ce fait que la doctrine de Photius s’introduisit dans la Bosnie, alors entièrement catholique, par la Serbie, qui avait adopté en 1288 les nouveaux principes religieux de Byzance. Le schisme avait, du reste, été favorisé dès le commencement du XIIee siècle, par saint Saba, fils du roi Nemania, qui avait reçu en apanage une partie de l’Herzégovine et qui avait embrassé avec ardeur les doctrines orientales. Il s’étendit donc

  1. Schematismus almœ missionariœ Provinciœ Bosnœ Argentinœ ordinis Fratrum Minorum S. P. Francisci observantium. Djikova, 1853 et 1864. D’après ces annuaires, les catholiques bosniaques étaient en 1855 au nombre de 122,865, et de 132,257 en 1864.
  2. Ubicini, les Serbes de Turquie, Paris, 1865, p. 75.— Voir aussi les Lettres sur la Turquie, du même auteur, t. II, p. 161.