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que les Allemands imprimaient, en 1870, que Sedan était la revanche de Tolbiac ; mais ils n’avaient pas l’excuse de cinq siècles d’esclavage sanglant.

Nous ne savons si les soldats de Twartko prirent part à la défense commune; mais, dans tous les cas, la Bosnie reçut le contre-coup de la défaite des Slaves à Kossovo. En effet, immédiatement après ce désastre, une armée de vingt mille Turcs s’avança en Bosnie. Heureusement, le sort des armes favorisa cette fois les chrétiens, et Vlatko Hranitch, grand voïvode ou général en chef de l’armée bosniaque, défit les musulmans et sauva ainsi, pour un temps du moins, l’indépendance de son pays. Le roi Twartko, en récompense de cet immense service, donna à son voïvode, à titre de fief héréditaire, tout le pays de Chelm, c’est-à-dire l’Herzégovine actuelle.

Cette donation et l’ambition des Hranitch furent, avec les dissensions intestines des Bosniaques, la perte des deux pays. En effet, Sandal, fils de Vlatko Hranitch, inaugura bientôt une politique de bascule, dont le but était de se rendre de plus en plus indépendant des rois de Bosnie ; il prit parti, tantôt pour Ostoja, tantôt pour Twartko, qui se disputaient le trône, et, malgré le succès qu’il remporta, en 1410, à Ugrah contre le roi Sigismond de Hongrie, et l’aide qu’il donna, en 1414, au prince serbe, Stéphan, attaqué par les Turcs, il prépara l’asservissement définitif des chrétiens slaves par les Osmanlis.

Son fils Stéphan continua sa politique d’intrigue, s’appuyant tantôt sur les Magyars, tantôt sur les Turcs, et il arriva au but de son ambition lorsqu’il obtint, en 1440, de Frédéric IV, empereur d’Allemagne, avec le titre de duc (herzog, d’où Herzégovine) du duché de Saint-Saba, la reconnaissance de son indépendance. Il attaqua alors le faible Thomas, roi de Bosnie, son propre gendre, et lui enleva quelques lambeaux de territoire ; et en même temps il favorisait la prédication des hérétiques bogomiles ou patarins, — sorte de secte manichéenne, — espérant trouver dans les dissidences religieuses un auxiliaire pour ses projets ambitieux. Ces luttes déplorables durèrent, avec des incidens divers auxquels furent plus ou moins directement mêlés les rois de Hongrie, Venise, Raguse, et même les sultans de Constantinople, jusqu’au moment où ces derniers crurent le moment favorable, en 1463, pour renouveler leur invasion de la Bosnie et de l’Herzégovine.

Stéphan ne porta aucun secours à son suzerain, au mépris de son devoir de vassal et des intérêts de la chrétienté. Aussi les Turcs, la Bosnie définitivement conquise, se tournèrent-ils vers l’Herzégovine, et Stéphan mourut de chagrin, en 1466, tributaire des Osmanlis. De ses trois fils, les deux aînés, Vlatko et Vladislas, qui avaient recueilli son triste héritage, par la protection des Hongrois, furent