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étendue, et cependant complète. Dans l’ensemble des dispositions du sénatus-consulte on ne retrouve pas seulement les vastes idées, les vues profondes et les généreux sentimens de Sa Majesté ; on y reconnaît les vrais principes de la monarchie tempérée. » Ces sages considérations décidèrent l’assemblée, gardienne de nos lois fondamentales, à voter le sénatus-consulte du 30 janvier 1810, où on lit : « L’empereur a un domaine privé, provenant, soit de donations, soit de successions, soit d’acquisitions ; le tout conformément aux règles du droit civil. » (Art. 31.) « Les biens immeubles et droits incorporels faisant partie du domaine privé de l’empereur ne sont, en aucun temps, ni sous aucun prétexte, réunis de plein droit au domaine de l’état ; la réunion ne peut s’opérer que par un sénatus-consulte. » (Art. 48.) «Leur réunion n’est pas présumée, même dans le cas où l’empereur aurait jugé à propos de les faire administrer, pendant quelque laps de temps que ce soit, confusément avec le domaine de l’état ou de la couronne et par les mêmes officiers. » (Art. 49.) Ainsi donc ni union expresse ni union tacite. Le chef de la quatrième dynastie, a créant pour des siècles et préparant des lois pour une longue succession de princes, » comme disait Regnault de Saint-Jean-d’Angély, « fondant sur une base indestructible la monarchie tempérée, » comme disait Demeunier, répudie à la fois le système que l’Hospital avait introduit dans notre droit public, en 1566, et celui que le parlement de Paris avait imposé plus tard au Béarnais. Bien plus, le sénat conservateur, s’associant aux « vastes idées, » aux « vues profondes, » aux « généreux sentimens » du grand empereur, et léguant à ses successeurs une législation domaniale complète, leur enseigne que la dévolution est désormais incompatible avec les principes de la monarchie.

Il ne faut donc pas s’étonner si Delhorme, ayant demandé, le 28 juin 1814, à la chambre des députés de statuer par une loi sur les finances particulières de Louis XVIII, la commission nommée par cette chambre vint apporter, le 28 juillet, un projet dont l’article 19 était ainsi conçu : « Les biens immeubles faisant partie du domaine privé ne sont, en aucun temps ni sous aucun prétexte, réunis de plein droit au domaine de l’état ; la réunion ne peut s’opérer que par la loi. » Personne ne croyait, à cette époque, qu’il y eût, à part, dans notre droit public, sur cette question spéciale, une loi permanente et supérieure, ayant survécu, par une force intrinsèque et mystérieuse, d’abord à la chute de l’ancien régime, ensuite aux bouleversemens de la révolution, plus tard aux constitutions de l’empire. Il fallait une loi nouvelle pour régler cette situation nouvelle. Or à quel dessein les commissaires élus par la chambre vont-ils s’arrêter? Se figurent-ils que, la monarchie traditionnelle une fois restaurée, la jurisprudence du parlement de