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l’avait commise avant lui. Tous les outrages que le décret adresse au roi de 1830, il les adresse au vainqueur d’Iéna. Il importe donc aujourd’hui de prendre en main la cause de ce grand homme et de venger cette illustre mémoire.

Cependant, d’après l’auteur des décrets, « si l’annulation de l’acte du 7 août 1830 ne fut pas prononcée, c’est qu’il n’existait pas à cette époque une autorité compétente pour réprimer la violation des principes de droit public, dont la garde était anciennement confiée aux parlemens. » Mais il n’en pouvait être de même, aux yeux de ce jurisconsulte, en 1810, puisqu’il y avait alors un sénat; or le préambule même de la constitution du 14 janvier 1852 caractérise ainsi les attributions du sénat sous le régime impérial : « Il a le droit d’annuler tout acte arbitraire et illégal et, jouissant ainsi de cette considération qui s’attache à un corps exclusivement occupé de l’examen des grands intérêts ou de l’application des grands principes, il remplit dans l’état le rôle indépendant, salutaire, conservateur, des anciens parlemens. » Il ne reste donc plus qu’à examiner comment le sénat, saisi du projet sur le domaine privé, s’est acquitté de ce rôle indépendant, salutaire et conservateur.

La commission sénatoriale choisit pour rapporteur Demeunier, un des auteurs de la constitution de 1791. Celui-ci n’essaya pas même de défendre l’œuvre qu’il avait jadis concouru à fonder. A ses yeux la constituante, « entraînée par le mouvement de la révolution, avait oublié toutes les règles de la prudence et passé d’une extrémité à l’autre. » « Le projet, poursuit-il, rétablit en faveur du monarque un domaine privé... Par un édit d’Henri IV et après une longue opposition de ce prince, en cas de mort, la réunion de plein droit à la couronne fut établie. Il est vraisemblable que ses successeurs ont souvent éludé cette disposition sévère en dédommageant leurs familles, et ils en avaient les moyens faciles, car, revêtus du pouvoir absolu, ils disposaient du trésor public à peu près arbitrairement... Le rétablissement d’un domaine privé parait commandé par des raisons de justice et de politique. La loi ne doit jamais contrarier les sentimens naturels... Si la justice et la morale permettaient d’interdire au monarque un domaine privé, cette loi serait illusoire. Les princes, dominés par des affections particulières, sauraient bien, pour les satisfaire, puiser dans le trésor public ou même dénaturer le domaine de la couronne... Le rétablissement du domaine privé est donc un principe dans la monarchie... Au lieu de mille arrêts du conseil, édits ou ordonnances qui, d’après des principes étranges, ont régi l’état sur ce point jusqu’à la fin de la troisième race, la France aura, dès les premières années de la quatrième dynastie, une législation domaniale simple, peu