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eussent-elles été vingt et six vingts fois décrites, ce qui importe décidément, ce n’est pas les choses qui sont vues, mais c’est bien l’œil qui les voit.


Il faut qu’en les comptant j’aie eu l’esprit distrait,


car plus j’avance dans cette énumération des livres d’étrennes et plus j’en découvre dont je n’ai point encore parlé. Tels sont quelques récits d’imagination que l’on appellerait tout bonnement romans s’ils n’étaient illustrés. Ainsi le Roman d’un brave homme, de M. Edmond About[1], roman honnête s’il en fut, composé tout exprès, si j’ai bonne mémoire, pour faire pièce au pontife du naturalisme, et qui reparaît en beau format, agréablement illustré par M. Adrien Marie. Si c’est un roman, ce n’est pas le meilleur des romans de M. About ; mais si ce n’est pas un roman, il contient assez de roman pour insinuer, sans qu’on s’en aperçoive, les excellentes leçons dont il est tout farci. Ainsi encore, le Vœu de Nadia[2], d’Henry Gréville, illustré par le même M. Adrien Marie, et dont l’auteur me permettra de dire que je l’aime mieux quand il nous peint, comme ici, la vie russe que quand il veut faire, comme quelquefois, du roman parisien. Ainsi encore, l’Histoire d’un mauvais garçon, de M. T. Bailey AIdrich, traduite ou réduite, sous le titre d’un Écolier américain[3], par M. Th. Bentzon : l’un et l’autre, auteur et traducteur, assez connus des lecteurs de la Revue. J’ajouterai, pour ceux que le titre seul de cet humoristique récit n’attirerait pas, que cette histoire d’un écolier n’est rien de moins que l’autobiographie du célèbre poète et romancier américain. Mais je ne l’ajoute qu’avec une sorte de remords, car le livre est bien de ceux qui doivent être lus pour eux-mêmes, et non pas pour aucune raison tirée des circonstances. On en appréciera surtout l’accent de justesse et de franchise.

Il eût peut-être été curieux de comparer au livre de M. T. Bailey Aldrich le livre de M. André Laurie : Mémoires d’un collégien[4]. Rencontre bizarre ! on se fût aperçu au cours de la comparaison qu’un écolier français ne ressemble pas mal à un écolier d’Amérique, et que l’homme est sensiblement le même à Rivermouth et à Châtillon. Mais il y a dans les Mémoires d’un collégien une intention pédagogique visible qui ne permet pas la comparaison. M. André Laurie se propose de nous retracer ainsi les Scènes de la vie de collège dans tous les pays, en y mêlant de fort sages conseils à nos écoliers. Il me paraît surtout enthousiaste

  1. Le Roman d’un brave homme, par M. Edmond About, 1 vol. in-8o ; Hachette.
  2. Le Vœu de Nadia, par M. Henry Gréville, 1 vol. in-8o ; Ch. Delagrave.
  3. Un Écolier américain, par T. Bailey Aldrich, traduit de l’anglais par Th. Bentzon, 1 vol. in-8o ; Hetzel.
  4. Mémoires d’un collégien, par André Laurie, 1 vol. in-8o ; Hetzel.