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devait rester le plus longtemps au pouvoir. Cette mesure avait été adoptée à une grande majorité par le conseil et fut accueillie avec enthousiasme par tout le Fouta-Djalon. C’est le même système qui régit toujours le pouvoir, au moment où nous écrivons.

Cette mesure paraît excellente aux Pouls, qui y trouvent de grands avantages. « Le Fouta a de la tête, me disait Modi Mamadou Saïdou, le chef de la mission poul en France ; sur deux almamys, il y en a souvent un de bon ; de plus il est stimulé à se faire aimer et à travailler pour le bien de son pays, grâce à la présence de son collègue, qui n’attend qu’une occasion pour se mettre à sa place. Cette rivalité, modérée par la présence du conseil, donne plutôt de bons que de mauvais résultats et les guerres entre alfaia et souria ne sont jamais ni bien longues ni bien cruelles. Les dissentimens ne s’étendent pas aux provinces, tout se règle dans les districts de Timbo, et de Fougoumba et, la guerre finie, il faut que le vainqueur soit accepté par l’assemblée, qui représente le pays. Un seul maître veut souvent tout accaparer, témoin l’exemple de Bou-Bakar Saada, almamy du Bondou, dont les exigences ont forcé les sujet à s’expatrier les uns au Fouta-Djalon, les autres au Kaarta et à Ségou. Comme, avec chaque almamy, les chefs de province et les chefs de village changent, il en résulte qu’un plus grand nombre de Pouls peuvent exercer le commandement à leur tour. Il y a moins de mécontens. De plus, ajoutait Mamadou, comme c’est par les largesses que les almamys se font surtout des partisans, tous ceux qui les approchent sont heureux ; ils reçoivent d’une main les impôts et les coutumes et, de l’autre, ils les rendent, par les aumônes qu’ils donnent à tous les malheureux et par les riches cadeaux qu’ils font à leurs partisans. Almamy est la providence des pauvres. »

Almamy-Ibrahima Sory se soumit à la décision du conseil, et céda le pouvoir à Almamy Abdoulaye ; mais il fut rappelé peu de temps après, remporta de nouvelles victoires, reçut le surnom de Maoudof, le Grand, et mourut dans la province de Labé, où il était allé à l’occasion de la mort d’Ala-Mamadou Sellou, chef de ce pays. L’œuvre de ce conquérant avait été considérable. Il laissait le Fouta-Djalon augmenté de nombreuses provinces et ayant non-seulement une unité nominale, mais une unité réelle, et l’almamy était désormais respecté partout, d’abord comme le chef suprême de la religion, puis comme le maître, comme le roi.

« Almamy Ibrahima Sory Maoudo, dit M. Lambert, avait régné trente-trois ans. » À sa mort les dissensions politiques commencèrent et la guerre civile ne tarda pas à éclater. Son fils, Sadou, fut nommé almamy. À cette nouvelle, Almamy Abdoulaye rassemble les alfaia, surprend Sadou à Timbo et le massacre dans