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Quoi qu’il en soit, l’étude de la géographie a pris une large place Dans notre enseignement. Par la variété de ses descriptions, par la multiplicité des paysages et des récits qu’elle peut faire défiler sous nos yeux, elle se prête plus que toute autre science à cette adaptation populaire, à cette vulgarisation facile, qui sont un des besoins de notre époque. Plus heureux que nous ne l’étions à leur âge, où les connaissances géographiques ne se présentaient à nos yeux que sous la forme d’arides traités et de fastidieuses nomenclatures, nos jeunes gens ont à leur disposition les produits d’une littérature spéciale toute nouvelle, tour à tour sérieuse ou enjouée, embrassant tous les genres, depuis la grave dissertation académique jusqu’aux riantes ou sinistres fictions du roman ou du drame, appelant à son aide la gravure, la photographie, les tableaux plastiques au besoin, pour nous présenter, comme dans un panorama vivant, le spectacle de notre nature terrestre sous tous ses aspects gracieux ou terribles. Mais, du moment où, grandissant son rôle, la géographie aspire à prendre rang au nombre des sciences naturelles, si elle en veut les honneurs, elle doit en avoir les charges. Il ne doit plus lui suffire d’être descriptive et attrayante. Elle doit devenir méthodique et savoir s’astreindre aux exigences de la classification et de la nomenclature. Elle y perdra peut-être en charme narratif, mais elle y gagnera en précision philosophique. En tout cas, le principe de la classification s’impose d’autant plus que les faits à classer deviennent plus nombreux.

Cette classification sera nécessairement fondée sur les principes de la méthode naturelle. De même que, en botanique, les espèces végétales se groupent en familles, non par la prédominance de tel ou tel caractère arbitrairement choisi, mais par la concordance de l’ensemble des caractères, de même nous aurons à rechercher s’il ne serait pas possible de grouper les diverses régions du globe en familles géographiques d’après l’analogie de leurs rapports communs.

Les caractères généraux qui devront nous guider dans ce classement des unités géographiques seront nécessairement d’ordre physique, immuables comme la terre à laquelle ils s’appliquent. Ils n’en resteront pas moins en rapport avec les caractères de la vie, qui, en chaque pays, différencient les races animales et, plus encore, les races humaines. Ces dernières, en effet, sont plus particulièrement subordonnées aux conditions physiques du milieu dans lequel elles se développent, qui leur impriment à la longue leur cachet individuel. Les caractères physiques se rapportent d’ailleurs à deux catégories de faits principaux, le relief du sol et le climat, que nous allons examiner successivement en vue de préciser leur mode particulier d’action et leur influence réciproque.