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annales de la liberté. Certaines âmes timides croient que les partis politiques sont une des misères et des maladies de notre époque. Au contraire, elles sont la preuve d’une activité vigoureuse et saine. Se vanter qu’on n’appartient à aucun parti, c’est s’accuser d’infirmité d’esprit ou d’un condamnable égoïsme. Le seul homme qui ait le droit et même le devoir de ne se montrer d’aucun parti, c’est le chef de l’état. »

Cet éminent Italien, trop peu connu à l’étranger, Cesare Balbo, montre, dans son beau livre : della Monarchia rappresentativa, que l’avantage du régime constitutionnel est précisément de ramener les vues particulières à deux courans d’idées, qui, sous la forme de deux grands partis : celui du ministère et celui de l’opposition, impriment à la marche du gouvernement une direction ferme et constante, de même que les vents alizés favorisent la course des navires. Sous un régime absolu, ils forment les factions qui donnent naissance aux sociétés secrètes, aux conspirations, aux révolutions de palais, et aux régicides, comme on l’a vu si souvent en Russie ; avec la liberté, les factions deviennent des partis, dont les nobles luttes sont l’honneur, l’éclat et la gloire des pays. Macaulay fait remonter l’origine des deux grands partis qui, depuis lors, ont tour à tour occupé le pouvoir, les whigs et les tories, à la seconde réunion du long-parlement (1641), et il ajoute que leur histoire est véritablement celle de l’Angleterre. On peut donc dire que les écrivains amis de la liberté ont vanté les avantages des partis et que ceux qui les condamnent sont, en réalité, partisans du despotisme.

M. Minghetti admet complètement la vérité de ce qu’ont dit Burke, Balbo, Macaulay, Bluntschli, Röhmer et tant d’autres, mais, comme dans nos sociétés, si imparfaites encore, les meilleurs choses ont leur mauvais côté, c’est celui-ci qu’il a voulu étudier, craignant que les abus grandissans n’arrivent à fausser complètement les institutions représentatives, dont les partis sont les moteurs et les ressorts. C’est précisément parce que ce grand parlementaire est un ami dévoué, mais éclairé de la liberté, qu’il cherche à écarter ou à diminuer les faits fâcheux qui peuvent la mettre en péril.

Le premier inconvénient que signale M. Minghetti est celui-ci : à mesure que les fonctions de l’état moderne s’étendent et se compliquent, les nécessités d’un gouvernement de parti font que les ministres sont moins aptes à bien faire leur besogne. Il y a trop souvent, dit-il, contradiction entre les motifs qui font attribuer les portefeuilles ministériels à tels ou tels hommes politiques et cette loi économique qui s’impose de plus en plus dans toutes les branches de l’activité humaine, à notre époque, la loi de la division du travail. En matière scientifique non moins qu’en fait de production