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insista sur ce fait que ce n’était pas du premier coup qu’on les avait concédées, mais seulement après plusieurs années d’examen. C’étaient là des restrictions plus apparentes que réelles. La nouvelle émission de deux cents lettres, après les cinq cents accordées par l’édit de mars 1696, prouve assez qu’au lieu de restreindre les demandes, on les provoquait, malgré ces belles paroles qui se lisent au préambule de l’édit de mars 1696 : « Si la noble extraction et l’antiquité de la race qui donne tant de distinction parmi les hommes n’est que le présent d’une fortune aveugle, le titre et la source de la noblesse est un présent du prince qui récompense avec choix les services importans que les sujets rendent à leur patrie. » En même temps qu’on laissait acheter la noblesse à beaux deniers comptans, on devenait de moins en moins exigeant pour la conférer à ceux qui servaient à l’armée. Au moyen âge, le service militaire avait été pour le noble le premier des devoirs féodaux. Plus tard, ce furent seulement l’opinion et le décorum qui l’obligèrent en temps ordinaire, alors que l’on ne convoquait plus que très rarement le ban et l’arrière-ban, à servir dans les armées. C’était pour le gentilhomme, quand il n’entrait pas dans l’église ou dans la robe, un devoir d’honneur d’être militaire. Tout dans la carrière des armes était à son avantage. Nommé directement officier, il avait le pas, la considération sur ce petit nombre d’officiers dits de fortune, dont quelque action d’éclat était le seul parchemin. Au milieu du XVIIIe siècle, loin de s’en tenir au principe de l’obligation du service militaire pour tout gentilhomme, on en vint à conférer la noblesse à tous officiers ayant atteint un certain grade et servi pendant un nombre déterminé d’années. Louis XV, réalisant un projet qu’avait déjà conçu Henri IV, fit d’une manière générale de la noblesse la récompense des services militaires, de sorte qu’on y pût arriver par simple droit d’avancement. D’après la déclaration du 22 janvier 1752, il fut établi qu’aucun officier servant dans les armées ne serait imposé à la taille tant qu’il conserverait sa qualité ; or l’on sait que l’exemption de la taille personnelle était l’un des privilèges de la noblesse. Cette exemption fut accordée pour la vie à tout officier créé chevalier de Saint-Louis, qui avait servi trente années non interrompues ou vingt années avec la commission de capitaine, chiffre qui était encore abaissé pour les officiers ayant atteint un grade supérieur et pour ceux qui avaient été blessés. Tout officier-général fut déclaré noble, lui et sa postérité née et à naître, de façon que l’état-major supérieur de l’armée, qui n’avait jamais, au reste, compté que bien peu de roturiers, se composa désormais exclusivement de gentilshommes, anciens ou nouveaux. Tout officier fils légitime, dont le père et l’aïeul avaient acquis par la durée de leurs services ou par le fait de leurs blessures l’exemption