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dignité semblablement intitulés. Le noble avait-il deux comtés, par exemple, et son fils aîné se dessaisissait-il du second, le puîné recevait ce comté et en portait le nom et le titre. Il devenait ainsi la tige d’une branche nouvelle de la maison noble dont l’aîné conservait le nom de famille, le titre originel et les armoiries. Toutefois, ce n’étaient là que des exceptions. La règle, comme il a été dit, voulait que l’aîné prît tous les fiefs de dignité de son père et ne laissât au puîné que la simple qualification de chevalier. Celui-ci pouvait tout à coup l’échanger contre le titre le plus élevé, si son aîné venait à mourir sans postérité. L’histoire des familles nobles nous fournit bien des exemples de ces faits. Quoique Maximilien-Pierre-François de Béthune, duc de Sully, mort en 1694, eût laissé dans son héritage, outre le duché de Sully, les principautés de Henrichemont et de Boisbelle, les marquisats de Rosny et de Conti, la baronnie de Bontin, les vicomtes de Meaux et de Breteuil, tous fiefs de dignité dont il avait les titres, son fils puîné n’eut pas la moindre part dans ce vaste domaine, qui resta à l’aîné, il fut simplement le chevalier de Sully. Mais son aîné étant venu à décéder sans enfant, le chevalier devint soudain duc de Sully.

On le voit, il n’existait en France pour la transmission des titres rien de semblable à ce que l’ordonnance de 1817 établit pour la pairie. Tout se réglait pour la transmission des fiefs de dignité par la coutume de la province et par le partage adopté pour la succession. Les fiefs de dignité étaient-ils répartis entre les puînés, ce n’était pas toujours suivant l’ordre hiérarchique des qualifications attribuées à ces fiefs qu’ils étaient distribués ; on se conformait au désir exprimé par le défunt ou aux conventions intervenues entre les frères. Il y avait dans certaines provinces des usages particuliers touchant l’ordre et la transmission des titres. Ainsi en Bretagne, au dire d’Alain Bouchard, le titre le plus élevé de noblesse était celui de comte, traduit souvent en latin par le mot consul, parce que le souverain de la province qui s’était arrogé le droit d’anoblissement portait seul le titre de duc. Au-dessous des comtes venaient immédiatement les barons ou bers. Les aînés des maisons nobles étaient comtes et les puînés prenaient le titre de quelque baronnie. Par exemple, dans la famille des comtes de Rennes, tandis que l’aîné avait ce titre, le puîné portait celui de baron de Fougères. En Sardaigne et en Piémont, les aînés des familles nobles prenaient du vivant de leur père le même titre que lui.

Le simple titre de chevalier qu’ils étaient réduits à porter humiliait quelque peu la vanité des puînés, que ne satisfaisait pas non plus toujours l’attribution d’un arrière-fief relevant du fief paternel. S’ils pouvaient obtenir parfois de la faveur royale un titre plus