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transmettre à ses descendans sa qualité de chevalier ou d’écuyer avec les privilèges qui y étaient attachés, et dont jouissait aussi sa femme, fût-elle même de naissance roturière. Au reste, à partir du XVIIe siècle, on ne distingua plus guère entre la noblesse de chevalerie et celle des écuyers ; c’étaient des titres plus relevés que les gentilshommes ambitionnaient. En principe néanmoins, la qualification de chevalier, transmise dans une famille noble, était tenue pour l’indice d’une vieille origine, quoique les rois l’eussent attachée à certaines charges, à certains offices dont la possession n’impliquait certes pas l’ancienneté de la noblesse. Mais jusqu’au XVIe siècle, la distinction entre chevaliers et écuyers demeura très marquée. Seul, le chevalier avait le droit de porter la cotte d’armes et la double cotte de mailles, de prendre dans ses vêtemens l’or, l’écarlate, les fourrures usitées du temps, à savoir : le vair, l’hermine et le petit-gris. Lui seul était autorisé à se faire représenter sur son sceau en armure complète et à arborer sur son manoir la girouette, image du pennon. Tandis que l’écuyer n’était désigné que par son nom, le chevalier était qualifié de monsieur et de monseigneur.

Si, par le nouveau caractère qu’elles prirent, les dénominations de chevalier et d’écuyer finirent par indiquer simplement le rang de la noblesse, elles n’enlevèrent pas pour cela à la possession du fief noble sa valeur et son importance pour marquer aussi le rang. C’était toujours effectivement d’un fief que le gentilhomme tirait son nom de noblesse. Le roi conférait-il la noblesse héréditaire à un roturier, il érigeait en fief noble quelque terre dont il lui faisait don ou que celui-ci possédait déjà ; il en augmentait au besoin l’étendue et les dépendances et y attachait des privilèges seigneuriaux. Le roi pouvait pareillement élever la condition du gentilhomme en érigeant sa seigneurie en un fief de dignité d’un rang supérieur. La qualité du fief indiquait donc celle de la noblesse. Le gentilhomme, pour se désigner personnellement, mettait après son nom de baptême, la seule appellation qui existât à l’origine pour l’individu, le nom de sa seigneurie ou, comme on disait aussi, de sa sirerie, précédé d’un de. C’est ainsi que l’ancêtre des Montmorency s’appelait Bouchard, sire ou sieur de Montmorency et, en sous-entendant le mot sieur, Bouchard de Montmorency ; que l’on disait de même Hugues de Crécy, Thomas de Marie, Guy de Rochefort, Simon de Néaufle, etc. Le noble possédait-il plusieurs seigneuries, il prenait d’ordinaire le nom de la plus importante ou de celle qu’avait le plus anciennement possédée sa famille. Mais le droit d’ajouter la qualité de sieur ou de sire devant ce nom de seigneurie ne pouvait passer qu’à l’aîné de ses fils, puisque le fief se transmettait par droit de primogéniture. Les puînés portaient simplement après leur nom de baptême le nom de la seigneurie précédé du de, sans pouvoir se qualifier de seigneur