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devait prêter l’aide de son bras à son seigneur, en défendre le domaine, de même qu’il avait le droit d’exiger de ses sous-vassaux qu’ils défendissent sa propre terre. L’étendue et la forme de l’obligation du service militaire se réglèrent selon l’importance du domaine et le chiffre de la population qui y était attachée. Ici le vassal dut fournir un nombre déterminé d’hommes d’armes ; là où il n’eût point été possible d’en trouver un, on se contenta de certaines prestations et redevances faites en vue de la guerre. Ce n’étaient pas seulement les nobles qui avaient à marcher à l’appel du suzerain ; les roturiers finirent par être aussi contraints de porter les armes, mais dans de certaines limites et avec de nombreuses restrictions. Il y eut de la sorte un service féodal noble et un service féodal roturier ; le premier d’un caractère bien plus permanent que le second. À l’armée, les rangs se réglèrent pour la noblesse finalement par la terre, et la terre fut classée d’après le service militaire qu’elle devait. Tenir un fief, ce fut donc avant tout être le soldat du suzerain. Aussi, au IXe et au Xe siècle, vit-on la qualification latine de miles appliquée à ceux qui desservaient les fiefs. Au XIe, au XIIe siècle, celui-là seul pouvait tenir un fief qui était d’âge à porter les armes. Le fief passait-il par droit d’héritage à un enfant mineur, il était offert au plus proche de ses parens ayant atteint la majorité, et celui-ci le desservait jusqu’à ce que le jeune propriétaire fût en âge de combattre. Les proches parens refusaient-ils cette charge, le suzerain la pouvait confier à quelqu’un des siens, à quelque autre vassal.

L’obligation du service militaire était plus ou moins étroite suivant la nature de ce qu’on appelait l’hommage, suivant que cet hommage était simple ou lige. Dans ce dernier cas, le vassal qui s’avouait l’homme du seigneur était tenu de l’accompagner sans cesse dans ses expéditions guerrières, de l’assister dans ses querelles, toutes les fois qu’il n’en résultait pas un dommage évident pour lui-même. Il y eut un hommage-lige réel et un hommage-lige personnel. Le réel était fondé sur la concession d’un bien-fonds ; le personnel tirait son origine d’une pension, d’une libéralité pécuniaire que celui qui le rendait avait obtenu de son seigneur. Au milieu du XIIIe siècle, la distinction tendit à s’effacer, la plupart des vassaux recevant du seigneur, à titre d’augment ou d’accroissement de fief, une pension par laquelle il les tenait dans une plus étroite dépendance. La hiérarchie féodale des terres ne fut plus dès lors l’unique fondement sur lequel reposa l’obligation du service militaire. Toute concession du seigneur à l’égard d’un individu put prendre en ce temps le caractère de fief ; toute chose devint susceptible d’être inféodée. Les charges ecclésiastiques furent, comme les autres charges, assujetties à la formalité de l’hommage