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créés marquis ; des chevaliers de l’empire furent faits barons ; en sorte que, malgré la différence de règles de transmission, les deux noblesses tendirent à s’amalgamer. Cette fusion fut d’ailleurs consacrée pour la chambre des pairs par l’ordonnance royale du 25 août 1817. On y posait des règles qui n’étaient sans doute applicables qu’à la pairie, mais que presque toutes les familles titrées s’approprièrent avec le bénéfice des exceptions que cette ordonnance avait admises. L’article 12 était ainsi conçu : « Le fils d’un duc et pair portera de droit le titre de marquis ; celui d’un marquis et pair, le titre de comte ; celui d’un comte et pair, le titre de vicomte ; celui d’un vicomte et pair, le titre de baron ; celui d’un baron et pair, le titre de chevalier. Les fils puînés de tous les pairs porteront de droit le titre immédiatement inférieur à celui que portera leur frère aîné. Le tout sans préjudice des titres personnels que lesdits fils de pairs pourraient tenir de notre grâce ou dont ils seraient actuellement en possession, en exécution de l’article 71 de la charte. » L’ordonnance de 1817, en combinant le système des titres des deux noblesses, avait inauguré une nouvelle hiérarchie, mais elle n’avait pas pour cela réglé tout ce qui touchait à la transmission des titres, surtout à celle de ces titres multiples qui existaient dans certaines familles. On s’en était remis pour cela à la commission du sceau, qui avait remplacé le conseil du sceau des titres institué par Napoléon Ier. En présence de la foule de nobles arrivés de l’émigration ou qui, restés en France, avaient dû, pour un temps, prendre une dénomination plébéienne, la besogne était immense. La commission s’occupa plus des nouveaux anoblissemens faits par le roi et de l’acquittement des droits pécuniaires réclamés des gentilshommes qui reprenaient leurs titres que de la vérification des preuves fournies par ceux qui les portaient. D’ailleurs, la plupart des parchemins qui auraient permis cette opération étaient détruits. Les usurpations devenaient par là faciles, pourvu qu’on se mît en règle avec le fisc. Aussi ne s’en fit-on pas faute ; bien des gens cherchaient à se donner l’apparence de vieux gentilshommes pour s’assurer la faveur des Bourbons. Le roi fut dupe de plus d’une fraude, et l’on assure que, trompé par une usurpation de titre, il fit un jour pair de France le fils d’un bijoutier qu’il prenait pour le descendant d’une noble famille qui a laissé dans la marine un nom glorieux. La confusion qui s’introduisit dans la transmission des titres nobiliaires, à raison du mélange des deux noblesses, s’accrut encore par l’abolition des majorats que porte la loi du 12 mai 1835. Cette abolition entraîna, suivant l’interprétation intéressée de plusieurs, pour tous ceux dont le père ou l’aïeul avait reçu de l’empire un titre nobiliaire l’autorisation de le prendre sans avoir satisfait aux conditions imposées pour sa transmission héréditaire. Les héritiers des nobles de date récente se répartirent