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LES
TITRES NOBILIAIRES EN FRANCE
AVANT ET DEPUIS LA RÉVOLUTION


I.

La révolution française ne supprima pas seulement la noblesse comme caste et institution politique, elle entreprit encore de faire disparaître toutes les traces, d’anéantir tous les monumens qui en rappelaient l’antiquité et les privilèges. Le 5 novembre 1789, l’assemblée nationale décrétait qu’il n’existait désormais en France aucune distinction d’ordres, et le 15 mars suivant, un autre décret établissait le partage égal des successions sans égard aux biens d’origine noble. Cette assemblée abolissait, le 19 janvier 1790, les qualifications de prince, duc, marquis, comte, vicomte, vidame, baron, chevalier, écuyer, noble et toutes autres semblables, ainsi que les appellations de monseigneur, messire, altesse, excellence, éminence, grandeur. Elle interdisait également l’emploi des armoiries et des livrées. On ne voulut plus qu’il fût tenu compte des parchemins qui constataient l’ancienneté des familles, et, le 4 juin 1790, le ministre de l’intérieur, Saint-Priest, écrivait au généalogiste de la couronne, Chérin, pour lui intimer de ne plus recevoir à l’avenir les titres généalogiques qu’on était auparavant dans l’usage de lui remettre afin qu’il les présentât au roi. Chérin comprit que c’en était fait de sa profession ; il s’engagea dans l’armée, où il devait bientôt devenir général et où, plus tard, il fut chef d’état-major de Masséna. Bien des gentilshommes allèrent alors déposer en holocauste leurs parchemins sur l’autel de la patrie. Des monceaux de vieux titres féodaux et de terriers furent livrés aux flammes.