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France animer les volontés et persuader à ses adeptes de lui faire le don de leurs meilleures années, sans autre but que le noble espoir d’agrandir un peu l’espace où elle se meut.


VII.

La conception logique et raisonnée du processus générateur de la houille appartient donc en propre à M. Grand’Eury, du moins sous la formule si nettement explicite dont il a su la revêtir. Il ne saurait plus être question maintenant d’une comparaison vague de l’ancienne opération avec le phénomène des tourbières, spécial à notre zone ; ce phénomène, incompatible avec la chaleur, se réalise sous nos yeux dans des conditions n’ayant avec celles qui caractérisaient l’époque carbonifère, qu’un rapport des plus éloignés, puisqu’il s’agit de plantes naines croissant en tapis serré sous les brumes des pays du Nord. Si les tourbes cependant peuvent, d’un certain côté, nous traduire une image affaiblie de ce que furent autrefois les houilles, c’est surtout en faisant toucher au doigt l’absolue nécessité que, dans toute formation charbonneuse, le lit des résidus accumulés ait été soustrait à l’action directe de l’atmosphère. Il est réservé à l’eau de remplir cette fonction au sein des tourbières, de même qu’elle lui était dévolue lors de la production des houilles. C’est en cela seulement que consiste l’analogie servant de lien entre les deux ordres de phénomènes ; les autres circonstances diffèrent pour la plupart, de part et d’autre, quelques-unes du tout au tout.

C’est à l’ombre épaisse des forêts et sous l’influence de la chaleur humide que commençait la transformation des résidus amassés sur le sol ; elle amenait la production des matières ulmiques, premier terme d’une série d’opérations qui aboutiront au charbon, puis à la houille. Cette dernière combinaison dont le processus demeure entaché d’une certaine obscurité n’a pu se réaliser qu’à la suite de la submersion et du dépôt stratifié qui plaçaient définitivement le lit charbonneux en voie de formation sous une nappe d’eau, par conséquent sous une couche imperméable à l’air. M. Grand’Eury est porté à admettre que l’élévation primitive de la température, jointe à l’humidité, a dû activer la conversion en houille des résidus préalablement ulmifiés, puis stratifiés, finalement comprimés par de nouvelles assises superposées. Le temps a fait le reste, et le combustible a acquis graduellement les propriétés qui distinguent la houille véritable des charbons plus récens, « stipites » et « lignites : » Ceux-là sont aux terrains secondaires, ceux-ci aux tertiaires, ce qu’est la houille relativement aux terrains primaires. Les différences