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aux bords évasés en talus ou « lagunes de fond, » lorsqu’une végétation, aussi remarquable par l’extrême vigueur de ses élémens que par la rapidité de sa croissance, était venue les occuper.

En dehors des stigmariées, dont nous avons signalé la singulière faculté de ramper sous les eaux et de persister quelquefois indéfiniment dans cet état avant d’émettre des tiges aériennes et fructifères, les autres végétaux houillers n’avaient rien, à ce qu’il semble, de précisément aquatique ; mais le voisinage immédiat et le contact momentané de l’eau ne les arrêtait pas non plus. Partiellement inondés, ils ne continuaient pas moins à vivre et à s’allonger. Baignés de vapeurs et de lourdes buées, ruisselant sous les averses, le pied dans l’humidité stagnante ou clapotante, leur organisation était telle qu’ils ne cessaient de s’élever en colonnes, de se couronner de feuillage ou de se subdiviser en rameaux, appuyés l’un sur l’autre, serrés et confondus. Les plus forts de ces végétaux dominaient les plus faibles, ceux-ci croissant à l’ombre des premiers ou s’entrelaçant à leurs tiges. Pourtant, M. Grand’Eury l’a bien vérifié, dans une foule de cas, le désordre faisait place à une distribution régulière, comparable à celle qui constitue l’aménagement naturel de nos bois.

De même que, sous nos yeux, les chênes, les bouleaux, les sapins se groupent séparément, il se formait des associations forestières uniquement composées de certains types. L’existence de ces colonies ressort en premier lieu de l’examen des lits charbonneux qui renferment assez fréquemment les débris uniformément répétés d’une seule espèce ; mais elle est encore visible lorsque, en dehors de ces lits, on interroge les vestiges épars dans les assises de grès qui les surmontent ou les séparent. Ces alternances mêmes fournissent une preuve évidente de l’intermittence du phénomène. La houille s’est déposée, en effet, et nous allons le montrer, au fond des dépressions lacustres dont les régions étaient alors parsemées et l’étendue des lits de charbon se mesure à celle des cuvettes disposées pour les recevoir. Mais une condition était indispensable à ces sortes de dépôts ; sans elle, pas plus alors que depuis et que maintenant, aucune couche de combustible ne saurait se produire ni continuer à se former : cette condition consiste en ce que l’eau qui parcourt le sol n’entraîne avec elle et ne charrie, au fond de la cuvette où ils vont s’accumuler, que des débris de végétaux, exclusivement à tout autre sédiment de nature détritique.

On conçoit que cette condition sine qua non ait eu plus de chance de se réaliser dans l’âge des houilles qu’en aucun autre temps, la flore étant alors plus exubérante et son extension plus favorisée du climat qu’elles ne le furent jamais. Mais on conçoit aussi que cette condition, après s’être établie et maintenue, ait ensuite fait défaut