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efforts échouer que devant le Mont-Saint-Michel. Au lendemain de la victoire qu’ils remportèrent à Verneuil le 17 août 1424, ils résolurent de frapper un grand coup pour s’emparer de cette forteresse. C’est que, tant que la célèbre abbaye résistait, les Français restés fidèles étaient fondés à croire que saint Michel les couvrait toujours de sa protection. Le jour, au contraire, où les envahisseurs s’en seraient emparés, ceux-ci ne se seraient pas fait faute d’en conclure à leur tour que l’archange abandonnait la cause de leurs adversaires pour se déclarer en leur faveur. La prise du Mont-Saint-Michel n’eût donc pas seulement couronné la conquête de la Normandie, elle eût achevé de démoraliser les partisans de Charles VII. Cela explique l’importance des préparatifs faits en vue de la réduction de cette place, l’acharnement que l’on apporta dans la défense comme dans l’attaque, enfin la curiosité passionnée avec laquelle les deux gouvernemens engagés dans cette lutte suprême en suivirent toutes les péripéties.

À la fin du mois d’août 1424, Jean, duc de Bedford, régent de France pour son neveu Henri VI encore enfant, mit sur pied un corps d’armée relativement important qui devait assiéger par terre le Mont-Saint-Michel ; il en confia le commandement à l’un de ses plus intimes favoris, Nicolas Burdett, bailli du Cotentin, son grand-maître d’hôtel. Ce corps d’armée était composé, en partie de gens d’armes recrutés spécialement pour cette opération, en partie de détachemens fournis par les garnisons anglaises de basse Normandie. Dès les premiers mois du siège, une bastille fut construite à Ardevon pour compléter, avec les forteresses de Tombelaine et d’Avranches, le blocus du Mont du côté de la terre ferme. En même temps, un écuyer anglais, nommé Berlin de Entwistle, lieutenant du comte de Suffolk, amiral de Normandie, fut chargé d’attaquer cette place du côté de la mer. On a conservé le compte des dépenses qui furent faites à cette occasion par les assiégeans, et l’on y voit que ces dépenses se montèrent à un chiffre assez élevé.

Charles VII n’abandonna pas les défenseurs du Mont-Saint-Michel. On ignore, il est vrai, les mesures que prit le roi de France pour venir en aide à ces intrépides champions de la cause nationale en Normandie ; mais on sait avec certitude qu’il envoya trois fois, pendant la durée du siège, Nicolas de Voisines, l’un de ses secrétaires, porter des instructions et des secours aux assiégés. Jean, bâtard d’Orléans, qui allait bientôt s’illustrer sous le nom de Dunois, venait alors de succéder dans la capitainerie du Mont à Jean de Harcourt, comte d’Aumale, tué à la bataille de Verneuil. Le nouveau capitaine avait inauguré son commandement en approvisionnant de vivres et de munitions la place assiégée. Grâce à ces encouragemens