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engagé dans les ordres sacrés, mais on avait jusque-là regardé les fonctions de l’enseignement comme une sorte de dépendance de l’état ecclésiastique. Il n’y avait, dans l’Université de Paris, que la faculté de médecine qui n’imposât pas le célibat à ses membres. Il était de règle même dans celle des arts, quoiqu’il y régnât une sorte d’esprit laïque et une grande opposition aux moines de tous les ordres. Quand la règle disparut, le préjugé resta. Au XVIIe et XVIIIe siècles, les grands universitaires, comme Rollin, ne se marièrent pas, et les gens qui, en 1808, essayèrent de fonder l’université nouvelle en y conservant autant que possible l’esprit des anciennes universités, insinuèrent dans les statuts l’article suivant : « Les proviseurs et censeur des lycées, les principaux et régens des collèges, ainsi que les maîtres d’étude de ces écoles, seront astreints au célibat et à la vie commune. » Une prescription pareille, au lendemain de la révolution, semble fort singulière et ne pouvait pas durer longtemps. Mais, en 1542, on dut être fort surpris de voir le recteur d’une université qui se mariait. Baduel ajouta au scandale en publiant quelque temps après une petite brochure sur le mariage des gens de lettres, où il excitait ses collègues à suivre son exemple. Il énumérait les qualités de la femme qu’un homme studieux doit associer à sa vie. Il lui faut en choisir une qu’il puisse aimer, — deligat quam diligat, disait-il dans son latin mignard, — la prendre dans une famille honorable pour qu’elle ait eu sous les yeux des exemples d’honnêteté et de chasteté, plutôt vertueuse que riche, la profession des lettres ayant en vue les bonnes mœurs et le bien de la société plus que la fortune ; « cependant, ajoute-t-il finement, la richesse n’est pas à dédaigner, car elle assure l’indépendance. » — « Ainsi choisie, l’épouse du lettré sera modeste et silencieuse, diligente dans l’accomplissement de ses devoirs domestiques, attachée à son époux, en qui elle verra à la fois un supérieur et un égal, simple en sa toilette, modérée dans le manger et le boire, pieuse et adonnée à la prière. Elle priera chaque jour avec son mari. Je ne puis dire, ajoute ici Baduel, combien cette habitude est douce, agréable à Dieu, propre à développer la piété. Les prières réunies d’un mari et d’une femme ont un grand prix devant Dieu ; elles affermissent la foi, ajoutent à l’affection mutuelle et sont la source d’une grande félicité. L’épouse, en outre, se sachant l’aide de son mari, socia et adjutrix, lui ménage la tranquillité et le repos, le soulage des soins qu’elle peut prendre pour lui, l’encourage au travail par le silence, la propreté élégante, l’affection dont elle l’entoure, le console dans ses ennuis, élève dans la foi ses enfans qu’elle a commencé par nourrir de son lait ; bref, lui assure paix au dedans, dignité au dehors, et le met ainsi en état de faire porter tous leurs fruits à ses travaux de professeur