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la Grèce et de Rome. Les jeunes gens à qui on mettait dans les mains, pour la première fois, Homère et Platon, Cicéron et Virgile, devaient les lire avec passion, et l’on comprend que leur enthousiasme les ait rendus capables de prodiges de travail. Mais on travaillait beaucoup aussi dans les universités du moyen âge. Les gens qui venaient suivre les cours de la faculté des arts, pour aborder ensuite la théologie, n’étaient pas rebutés par l’aridité des études auxquelles on les condamnait. Ils passaient des années entières à lire et à commenter les auteurs les plus ennuyeux. Rien n’arrêtait ces obstinés qui voulaient s’élever au-dessus de l’ignorance générale, et ils bravaient pour s’instruire des fatigues et des misères qui feraient peur aujourd’hui aux plus résolus. Tous les ans, on voyait venir à Paris des écoliers pauvres qui arrivaient des provinces les plus lointaines en mendiant leur pain sur la route. Pour gagner de quoi vivre et étudier, ils ramassaient les ordures, ils balayaient les collèges, ils se faisaient les domestiques de leurs maîtres ou de leurs condisciples. C’est ainsi qu’ont commencé Guillaume Postel, Ramus et bien d’autres. Vers l’époque où le moyen âge finissait, un docteur brabançon, Jean Standonc, annexa au collège de Montaigu, qu’il restaurait, une communauté d’enfans pauvres. Il leur donnait gratuitement l’éducation, mais à la condition qu’ils se soumettraient au régime le plus sévère. « Porter froc et robe grise du drap le plus grossier, avoir la tête rase, faire à tour de rôle la cuisine et à tour de rôle aussi laver la vaisselle, couler la lessive et balayer la maison, étaient les articles les plus doux du code rédigé par Jean Standonc. Il fallait, par toutes les saisons, se relever de nuit pour assister à un office d’une heure et demie de durée ; il fallait (contrainte encore plus cruelle pour l’enfance) ne jamais se servir de sa langue que pour répondre aux interrogations, et les moindres fautes, épiées et dénoncées par une surveillance mutuelle, étaient suivies de corrections jusqu’au sang, car nulle part le martinet ne fut garni de plus de nœuds ni appliqué d’une main plus impitoyable. La nourriture était à l’avenant. Chacun recevait, en entrant au réfectoire, une demi-once de beurre pour accommoder le dîner, qui était servi sans assaisonnement : un plat de légumes les plus vils cuits à l’eau et un demi-hareng ou deux œufs durs. Jamais de viande, toujours du pain bis, et, pour unique boisson, l’eau tirée au puits de la cour. Érasme eut l’estomac détruit sans remède pour avoir tâté quelque temps de ce régime. Qui pourrait dire le nombre de ceux qui y succombèrent ? » Et pourtant on avait peine à satisfaire tous les pauvres gens qui demandaient une place dans ce collège de pouillerie, comme l’appelle Rabelais : « Admirable ambition de la jeunesse en ce temps-là ! ajoute M. Quicherat ; le