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Notre Université ne date pas de Charlemagne ou d’Abélard ; elle a vraiment commencé le jour où l’empereur Vespasien établit de ses deniers une chaire d’éloquence et en chargea Quintilien. Le système qui fut fondé ce jour-là s’est régulièrement développé jusqu’à nous, et l’on peut dire qu’entre les premières écoles publiques de Rome et les nôtres il n’y a véritablement pas eu d’interruption.

En attendant qu’il se rencontre un savant assez courageux pour aborder l’étude de ces dix-huit siècles, il faut savoir gré à ceux qui choisissent un point particulier dans cette vaste étendue et nous le font connaître à fond. Ces travaux de détail rendront l’œuvre d’ensemble plus facile. Voici précisément deux écrivains qui ont pris pour sujet de leurs recherches deux personnages de la renaissance, inégalement célèbres, mais qui méritent tous les deux de tenir une place dans l’histoire de l’éducation. Ils ont pour nous cet avantage d’avoir vécu dans une époque de crise où l’enseignement s’est transformé : ils ont vu naître, ils ont appliqué pour la première fois des méthodes qui sont encore les nôtres. Le récit de leur vie, l’étude de leurs ouvrages, nous montrent comment ces changemens se sont faits et nous en apprennent clairement le caractère et la portée. Il me semble que nous pourrons en tirer beaucoup de lumière sur le passé, et peut-être quelques leçons pour l’avenir.


I.

Dans son ouvrage intitulé Claude Baduel, ou la Réforme des études au XVIe siècle, M. Gaufrès entreprend de nous raconter les débuts et la fortune de cette université ou collège des arts, qui fut établi à Nîmes en 1539 par François Ier. Ce serait une histoire fort curieuse si nous la connaissions un peu mieux. Nous n’en savons que ce nous dit Baduel dans ses lettres et dans ses harangues, et par malheur il aime tant le beau langage, il imite si fidèlement Cicéron, que, de peur de gâter son latin par des expressions malsonnantes, il se tient toujours dans le vague. Nous lui pardonnerions aisément quelques incorrections en faveur de quelques détails précis, mais il ne se les pardonnerait pas à lui-même, et quand nous lui demandons des renseignemens exacts sur l’organisation de son collège, sur l’emploi du temps, sur les auteurs qu’on y explique, sur les maîtres, sur les élèves, il nous répond par des périodes harmonieuses. Un bon règlement en style administratif nous en apprendrait beaucoup plus que toutes ces grandes phrases. Ce n’est donc pas la faute de M. Gaufrés s’il n’a pas toujours contenté notre curiosité ; il a fait au moins ce qu’il a pu, et à force de recherches