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secours de son frère assiégé. Il amenait cent quarante vaisseaux, de guerre et deux cents bateaux plats sur lesquels il avait embarqué 12,000 hommes d’infanterie ; le fils d’Antigène pouvait mettre en ligne cent dix-huit navires. À l’exception des trente galères athéniennes qui n’étaient que des quadrirèmes, tous les autres vaisseaux ; de Démétrius portaient cinq rangs au moins de rames ; les galères phéniciennes étaient, en majeure partie, des septirèmes.

Les deux flottes sont rangées par leurs chefs en bataille ; les céleustes se lèvent et invoquent les dieux ; les équipages répètent à haute voix ces prières. Démétrius et Ptolémée ont compris qu’il s’agit en ce jour d’une lutte mortelle ; « leur cœur, nous dit Diodore de Sicile, bat violemment. » 500 mètres environ séparent les deux lignes. C’est de cette distance que les flottes d’ordinaire prennent leur élan ; sur terre, les hoplites se rapprochent davantage : la Béotie a vu les Lacédémoniens attendre pour immoler la chèvre propitiatoire qu’ils fussent à 180 mètres à peine de l’ennemi. On perd moins vite haleine à ramer qu’à courir. Démétrius, le premier, donne au chef des signaux l’ordre d’élever au-dessus de sa tête le bouclier doré : ce signal est salué par les acclamations de toute la flotte. Ptolémée, à son tour, a cessé de retenir ses vaisseaux : les trompettes sonnent la charge, les cris de guerre se répondent, l’air frémit déchiré par ces discordantes clameurs. Tous les combats de galères désormais se ressemblent ; on ne sait plus se servir de l’éperon avec l’élégante habileté des Athéniens. Que ce soient les Doria et les Barberousse, les Dandolo et les Pisani, les Roger de Lauria et les princes de Salerne, ou les lieutenans d’Alexandre qui combattent, on retrouvera toujours les mêmes épisodes : au début, une grêle de traits, de javelots et de pierres, quand ce ne sera pas une volée d’artillerie, puis, sur-le-champ et sans plus de manœuvre, la mêlée, le choc debout au corps, l’abordage, la lutte acharnée et terrible. Ce sont d’ardens athlètes impatiens de s’étreindre, ce ne sont plus des marins appelant à leur aide toutes les ressources d’une tactique ingénieuse et savante que nous avons sous les yeux. Comment d’ailleurs, connussent-ils cette tactique, en feraient-ils usage avec les lourdes masses qui ont si brusquement succédé aux trières ? Démétrius est debout sur la poupe de sa septirème. Enveloppé d’ennemis, il frappe les uns à coups de lance, abat les autres de son épée. Les traits qu’on lui lance, il les évite en se jetant de côté ou les reçoit sur son bouclier. Trois écuyers lui font un rempart de leur corps : l’un : tombe mortellement atteint par le fer d’une pique ; les deux autres gisent devant lui grièvement blessés. Les rames sont brisées, les vaisseaux dérivent lentement enchaînés l’un à l’autre par les grappins de fer. Que de noyés cependant encore ! Combien