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tand en regard de la traduction des mêmes vers par nos poètes du XVIe siècle.

Il me semble le pair d’un Dieu, que dis-je ? même
Plus qu’un Dieu, — si parler ainsi n’est un blasphème, —
Celui qui peut venir souvent s’asseoir, rester
Face à face avec toi, contempler, écouter
Ton doux rire… Oui, ce m’est, ô malheureux qui t’aime,
Assez pour me ravir tous mes sens ! ! Quand mes yeux
Te voient, Lesbie, il n’est plus rien qui vaille mieux !
………
Ma langue s’engourdit ; des feux subtils se glissent
Dans mes membres ; mes deux oreilles se remplissent
De tintemens confus ; mes regards éblouis
        Par la nuit semblent envahis.


On trouvera dans les Amours, au livre V, la traduction de Ronsard, presque aussi littérale que celle de M. Rostand. J’aime mieux citer l’imitation de Baïf, plus libre, et je crois, moins connue :

Qui t’ouït et voit vis-à-vis,
Celui, — comme il m’est avis, —
A gagné d’un Dieu la place,
Ou, si j’ose dire mieux,
De marcher devant les Dieux
Il peut bien prendre l’audace.
Car, sitôt que je te voi
Ma maîtresse, devant moi
Parler, œillader ou rire
Le tout si très doucement,
Pâmé d’ébahissement,
Je ne sais que je dois dire.


Moins littérale, et malgré quelques taches, presque plus heureuse encore est la paraphrase de Remy Belleau ?

Nul me semble égaler mieux
        Les hauts Dieux,
Que celui qui face à face,
T’ouït parler et voit la grâce
De ton souris gracieux.
Ce qui va jusqu’au dedans
        De mes sens,
Piller l’esprit qui s’égare,
Car, voyant ta beauté rare,
La voix faillir je me sens.
………


J’interromps ici la citation. Il y a dans les vers suivans, pour traduire le tenuis sub artus Flamma demanat,