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yeux, « revu d’après les travaux les plus récens de la philologie, » l’ample commentaire « critique et explicatif » à la fois que M. Benoist y a joint, serait une occasion toute naturelle, et bien favorable, de tenter l’entreprise (l’aventure peut-être) si deux excellentes raisons, pour cette fois, ne s’y opposaient. En premier lieu, quelle qu’en soit l’importance, le commentaire n’est ici donné que comme accessoire, et le principal, ou du moins ce qui nous est proposé comme tel, c’est la traduction de M. Rostand. Et puis, n’étant encore arrivé qu’à moitié de sa publication, trop de pièces de Catulle y manquent, et quelques-unes des plus considérables. On nous permettra cependant d’essayer en peu de mots de le caractériser.

Au point de vue général, c’est la combinaison, dans une mesure heureuse, de l’annotation critique proprement dite et de l’interprétation littéraire. M. Benoist, déjà dans son Virgile, en empruntant aux Allemands toute la rigueur de leurs méthodes philologiques, ne s’était pourtant pas abstenu, comme ils le font trop systématiquement, de venir quelquefois au secours du lecteur. Ces éditions savantes, qui ne contiennent que le texte, avec ses variæ lectiones au bas de la page, les testimonia des grammairiens et des polygraphes quelquefois, et d’ailleurs pas une seule note, — je ne dirai pas que je crains, car au contraire je m’en réjouis, — elles ne seront jamais françaises. Ici, dans son Commentaire de Catulle, et presque plus généreusement que dans l’annotation de son Virgile, M. Benoist n’a rien négligé de ce qui pouvait aider à l’entière intelligence du texte, non pas même, de loin en loin, quelques mots pour guider l’admiration ; et, puisqu’il n’a pas dédaigné de faire au goût français cette juste concession, nous lui passerons en retour le nombre, pour ne pas dire l’excès de ses variantes. Car j’avoue modestement, et dussé-je être mis au ban des philologues, que je ne comprends pas bien la raison de tant de variantes. Puisqu’en effet la détermination du texte auquel on s’arrête a pour base une classification des manuscrits entre eux et la construction, comme on dit, d’un archétype dont tous les autres ne seraient qu’autant d’épreuves plus ou moins adultérées, il semble que, si l’on se bornait à discuter les leçons vraiment importantes, en négligeant celles qui ne sont peut-être que les fautes d’un scribe ignorant, on pourrait singulièrement alléger l’annotation critique proprement dite. Mais les éditeurs ont sans doute leurs motifs ; et ce ne sont pas là nos affaires. — À un point de vue plus particulier, il nous a paru que dans ce Commentaire les observations relatives à la métrique latine tenaient une assez large place[1]. Est-il besoin d’en

  1. On consultera sur ces questions de métrique, trop négligées en France, et qui sont cependant des plus intéressantes, les deux opuscules récens : Métrique grecque et latine, par M. L. Müller, traduit de l’allemand par M. Legouëz, et précédé d’une spirituelle et instructive introduction de M. E. Benoist ; et les Mètres lyriques d’Horace, par M. H. Schiller, traduit de l’allemand par M. O. Riemann, et augmenté, par le même, d’une courte et substantielle dissertation sur les rapporta de la musique et de la métrique. 2 vol. in-32 ; Paris, 1882 et 1883 ; Klincksieck.