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ont-ils pour eux les chances de plus-value des terrains, chances qui les ont bien servis jusqu’à présent et qui, à Paris, sont à peu près certaines. Les suppositions les plus modérées portent à croire qu’en 1905, leurs propriétés vaudront de 4 à 500 millions, et, je le répète, tout l’argent qu’ils auront versé leur aura été rendu.

Il est utile, quand on traite du revenu des actions du gaz, de ne pas oublier ce léger bénéfice. Il y a là une fortune mise en réserve, et si la compagnie continue l’exploitation, en 1905 cette fortune sera avantageusement placée. Ce bénéfice, comme tous les autres, est soumis au partage avec la ville de Paris. La ville, en 1905, sera propriétaire de la moitié des immeubles et du matériel, outre la totalité de la canalisation.

Ces conditions ne sont nullement dures, vu les prix que paient les abonnés. La Compagnie du gaz de Bordeaux, qui est très florissante, a accepté de vendre le gaz 22 centimes aux particuliers et 5 centimes à la ville, et, en fin de concession, elle abandonnera à la ville de Bordeaux la totalité de ses immeubles et de son matériel. Elle amortit tout son capital, comme fait la compagnie parisienne, mais elle touche chaque année tout son bénéfice, et elle ne trouvera point, en réglant ses derniers comptes, un énorme dividende réservé pour la fin.

Le traité de 1855 garantit à la Compagnie parisienne un monopole : non pas le monopole de l’éclairage, la ville s’est réservé toute liberté vis-à-vis des inventeurs ; elle a pu, par exemple, concéder l’avenue de l’Opéra à M. Jablochkof et pourra adopter tout moyen d’éclairage autre que le gaz. La compagnie n’a même pas le droit d’empêcher que d’autres industriels fabriquent du gaz. Elle a dû faire des marchés spéciaux avec les administrations des chemins de fer, qui menaçaient de se passer d’elle et de monter sur leurs terrains des fours à distiller. Elle ne peut pas empêcher le commerce du gaz portatif. Mais elle a seule le droit de poser sous les rues des conduites pour la distribution du gaz extrait de la houille. Elle est seule locataire du sous-sol des rues de Paris, et, en dehors de ses diverses redevances, elle paie de ce chef à la ville un loyer de 200,000 francs.

Ce monopole n’engage donc pas entièrement l’avenir et laisse à l’administration municipale une certaine liberté. La lumière électrique pourra devenir pour le gaz une rivale dangereuse, et rien n’empêchera la ville de Paris de l’adopter. Il est plus probable que les deux systèmes seront employés simultanément. La cité de Londres est éclairée par l’électricité, et jamais on n’y a brûlé plus de gaz. Il paraît que la consommation a été énorme à l’avenue de l’Opéra tandis que les candélabres Jablochkof illuminaient le trottoir : les