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perte immédiate du monopole. La seconde consistait à donner une part des bénéfices à la ville de Paris. Très habile négociateur, M. Dubochet avait compris que les avantages faits à la ville étaient autant de garanties pour la compagnie. Il est rare qu’un associé conteste la légitimité des bénéfices qu’il partage ; et si sa conscience est parfois troublée, les nécessités journalières et l’habitude de toucher un revenu dont il ne sait plus se passer la mettent à la raison. Les avantages accordés à la ville étaient considérables. D’abord elle ne payait que 15 centimes par mètre cube le gaz employé à l’éclairage public : non-seulement celui qui alimente les réverbères de nos rues, mais tout le gaz consommé dans les édifices municipaux. Les propriétés de l’état ne jouissent pas du même privilège. Ensuite elle recevait un droit d’octroi de 2 centimes par mètre cube brûlé dans Paris. Enfin, elle devait prélever une part des bénéfices. Ce droit d’octroi, cette part de bénéfices, ont rapporté à la ville de Paris en 1881, tout près de 20 millions. Or, c’est là un revenu dont la ville ne peut plus se passer ; il est nécessaire à l’équilibre de son budget ; elle devrait, si elle y renonçait, le remplacer par une taxe nouvelle.

Le partage des bénéfices s’opère comme il suit : on paie d’abord l’intérêt et l’amortissement des obligations, puis l’amortissement des actions ; puis on prélève 12 millions pour l’intérêt des actions, et on répartit le surplus entre les actionnaires et la ville de Paris. Le capital de la compagnie est donc amorti en totalité ; le traité le veut ainsi. Et quand la concession expirera, en 1905, les actionnaires et obligataires seront entièrement remboursés. Que deviendront alors les sommes immobilisées ? À qui appartiendront les terrains, le matériel et les immenses bâtimens des usines ? La ville de Paris a dû prendre à cet égard des précautions particulières ; il ne fallait pas qu’il y eût interruption du service à la fin de la concession. Il ne fallait pas non plus que la compagnie, faute de s’entendre avec ses successeurs, eût le droit de fouiller toutes les rues pour y déterrer ses conduites. La ville s’est réservé la propriété entière de la canalisation telle qu’elle existera en 1905. Quant au reste, terrains, constructions et outillage seront autant de bénéfices nets, puisque le capital aura été remboursé. Ce seront des bénéfices dont la répartition aura été ajournée. Chaque année, en retenant la prime d’amortissement de la totalité du capital, on met, en réalité, de côté une certaine somme qui se retrouvera à la fin de la concession. Que vaudra cette somme ? Il est assez difficile de le dire. La compagnie, dans ses rapports aux actionnaires, estime à environ 80 centimes le capital immobilisé pour fournir par an un mètre cube de gaz. À ce taux, et d’après la consommation de l’année dernière, ses immeubles et son matériel vaudraient aujourd’hui près de 240 millions de francs. Encore les actionnaires