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calme qu’on ne faisait rien sans argent et qu’en conséquence, le soir même, Paris ne serait pas éclairé. Le million fut rendu avant la nuit.

Si nous avons su donner quelque idée de la grandeur d’une pareille entreprise industrielle, et de la somme de travail et d’intelligence dépensée pour sa prospérité, on comprendra mieux l’étonnement sincère de tous ceux qui ont donné à la compagnie leur travail ou leur argent devant les invectives de la presse et du public. Comment, disent-ils, pouvez-vous vous plaindre ? Nous avons bâti des cloches à gaz grandes comme des cathédrales et des fours magnifiques. Nous traitons bien nos employés. Nous ne jouons pas à la Bourse et nos bénéfices sont honnêtes. Nous en donnons avec exactitude une part à la ville de Paris. Nous vendons le gaz un peu cher, c’est vrai : mais vous avez la satisfaction de savoir qu’il est fabriqué d’après les procédés les plus nouveaux et les plus savans. Que faut-il de plus, et comment osez-vous toucher à une si belle et si profitable institution ?

L’abonné a des sentimens mesquins et persiste à penser que l’institution lui coûte trop cher. Il va porter ses plaintes au conseil municipal. C’est ce qui arriva en 1879. les représentans de plusieurs grandes industries, et surtout le syndicat des tissus, commencèrent une campagne active pour l’abaissement du prix du gaz. Une société se forma, réunit un capital pour payer les démarches et les publications, démarches, et publications toutes destinées à stimuler le zèle des conseillers municipaux, Ceux-ci ne connurent désormais plus de repos. Articles de journaux pleins de conseils amicaux ou de durs reproches, brochures, pétitions, circulaires, visites, réunions privées, ou publiques, rien ne leur fut épargné. La société avait pris pour agent M. Serf, jeune ingénieur civil, très entreprenant, qui prodigua aux membres du conseil ses renseignemens, ses explications et ses avis.

Il est possible d’ailleurs que cette campagne n’ait pas été inutile. Les choses vont vite en France quand on n’a qu’un gouvernement à renverser ; il faut bien plus d’effort, — et plus de paroles, — pour obtenir un centime de réduction sur le prix du gaz. Cependant l’opinion publique paraissait s’égarer un peu à la fois du côté des abonnés et des actionnaires. Les actionnaires poussaient de hauts cris, disant qu’on voulait les dépouiller, rompre des engagemens sacrés, manquer à la parole donnée. Les abonnés semblaient croire que la ville allait fixer les conditions d’un traité nouveau, que le conseil était maître de dicter ses volontés, et que M. Le préfet de la Seine n’avait qu’à parler pour être obéi. Ils se trompaient les uns et les autres. Un traité existe : il date du 11 février 1855 ; il est revêtu de la signature de M. Dubochet pour la compagnie, et de l’illustre M. J.-B. Dumas, alors président du conseil, pour la ville de Paris. Il engageait la ville