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le conseil pense aux sous-produits ! Il sait maintenant qu’on distille le goudron et qu’on sépare les huiles légères des huiles lourdes ; que ces diverses huiles fournissent des désinfectans comme la benzine et l’acide phénique, et des matières colorantes comme l’aniline ; que le brai est le résidu de la distillation ; que l’on sépare l’anthracène du brai ; que l’anthracène oxydé devient l’alizarine, et que cette substance est exactement le rouge garance ; il sait que la culture de la garance est abandonnée dans le Midi et que les fabricans de gaz ont hérité de cette fortune perdue pour les cultivateurs provençaux.

La Compagnie parisienne a été des premières à exploiter ces diverses sources de revenu. Elle a des fours à distiller le goudron. Elle a de grands bassins où le brai s’écoule lentement en masses épaisses semblables à de la lave. Elle emploie une partie du brai à agglomérer des poussières de charbon et à fabriquer ces briquettes qui servent à chauffer les locomotives. Enfin elle fait de l’anthracène depuis 1873, de l’aniline et de l’acide phénique depuis près de vingt ans.

Cette grande entreprise industrielle a toujours eu l’avantage d’intéresser des savans. MM. Pelouze père et fils ont été les collaborateurs et les amis de M. Dubochet. L’illustre physicien Regnault venait sans cesse au laboratoire de La Villette : c’est lui et M. Jean-Baptiste Dumas qui ont rédigé le règlement pour l’essai du gaz, et déterminé le degré de pureté et le pouvoir éclairant que les abonnés auraient droit d’exiger ; M. Henri Sainte-Claire Deville a été jusqu’à sa mort vice-président du conseil d’administration. M. Margueritte, le président actuel, a fait des travaux de chimie fort remarquables. Le directeur, M. Camus, est un ingénieur sorti du corps des ponts et chaussées. Profondément dévoué à la compagnie, il lui a rendu d’immenses services : il la défend aujourd’hui avec la prudence d’un esprit supérieur et avec la franchise d’un parfait galant homme. M. Camus a dirigé la compagnie depuis le grand accroissement de ses affaires. Il a construit un tiers des gazomètres et des fours à cornues et posé des centaines de kilomètres de conduites. On le dit habile négociant, et il a pu faire ses preuves : il a bon an, mal an, 7 ou 800,000 tonnes de houille à acheter et 20 à 25 millions d’hectolitres de coke à vendre, sans parler des fameux sous-produits. Il commande une armée de 4 à 5,000 employés et ouvriers, et il a su inspirer à ses subordonnés un dévoûment sincère envers la Compagnie du gaz. Il y a parmi eux un véritable esprit de corps et un amour-propre très estimable. La compagnie a d’ailleurs organisé très convenablement les secours et les pensions de retraite.

Pendant la commune, personne ne manquait à son poste. Un jour, la caisse, contenant en ce moment près d’un million, fut saisie. M. Camus alla trouver le délégué aux finances et lui exposa avec