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objets. Ne sont-ils pas, dans la construction ou dans l’armement, d’une grande importance, ni exposés à des efforts violens ? Suffit-il qu’ils soient de qualité moyenne et pourrait-il s’en trouver parmi eux de médiocres sans compromettre de grands intérêts ? L’économie est ici plus importante que la perfection. Ces objets devront être demandés à l’industrie. Doivent-ils, au contraire, résister à des efforts extraordinaires, jouent-ils un rôle important dans la solidité ou la valeur militaire du matériel, peuvent-ils assurer ou compromettre la vie des hommes et l’honneur du pavillon. Le prix importe moins que la qualité. Ces travaux sont la part naturelle et inaliénable de l’état.

Ainsi, du moins, conclut la théorie. Mais la théorie, pour devenir complète, doit tenir compte d’un fait capital. Tout état maritime, lors même qu’il ne construirait pas sa flotte, a besoin, pour l’entretenir et la réparer, d’un outillage et d’un personnel permanens, calculés l’un et l’autre sur les besoins des circonstances extrêmes ; ils se trouvent en temps ordinaire, au moins pour partie, inoccupés ; enfin les mêmes instrumens et les mêmes hommes qui accomplissent les réparations sont aptes aux travaux neufs. Or si l’état les applique aux travaux neufs quand chôment les réparations, il use d’une force déjà payée par lui, et, comme la main-d’œuvre et l’outillage ne lui coûtent aucune dépense nouvelle, ses produits ne lui coûtent que le prix de la matière employée. D’où cette conséquence : il faut, avant tout, occuper à la construction du matériel naval les établissemens nationaux destinés à son entretien. Si les ressources qui y sont préparées pour la flotte en service ne suffisent pas pour la flotte en chantier, il les faut augmenter de manière à assurer l’exécution des travaux qui appartiennent par leur nature à l’état. Si ces travaux, au contraire, ne suffisent pas pour employer tous les moyens d’action nécessaires à l’entretien des vaisseaux, il faut alimenter l’activité des arsenaux, même avec des occupations qui, par leur nature, conviennent mieux à l’industrie. En ce cas, en effet, si chèrement qu’ils produisent, il y a pour le trésor avantage à se servir d’eux.

D’ailleurs, si l’on veut ménager les deniers publics, il ne suffit pas d’attribuer aux usines nationales une tâche suffisante pour occuper leur force, il faut faire produire à cette force tout ce qu’elle est capable de donner. On a vu que, si l’état travaille bien, il travaille lentement et à haut prix. Il est superflu d’insister sur l’avantage d’une production moins chère ; une production plus rapide n’est pas de moindre importance. Dans un temps où le matériel naval se modifie sans cesse, l’instrument de combat n’a qu’une force éphémère et toujours menacée par des progrès toujours nouveaux. Plus il y a d’intervalle entre l’instant où le calcul le découvre et