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pas rompre avec la fille aînée de l’église, alors même qu’elle semble mettre sa gloire à n’être plus que la fille aînée de la révolution. En dépit des efforts déployés autour de lui par les partis intéressés à enrôler le saint-siège dans leurs rangs, le Vatican n’entend pas épouser leurs querelles ; il se refuse obstinément à s’inféoder aux ennemis déclarés de la république. La papauté se garde de faire cause commune avec ceux qui proclament que hors la monarchie pas de salut ; c’est là un dogme que Rome ne veut pas inscrire dans son catéchisme. Léon XIII a beau n’avoir guère à se féliciter des républicains, s’il déplore dans ses discours ou ses bulles certains de leurs actes, il ne néglige aucune occasion de répéter que l’église est indifférente aux formes de gouvernement, qu’elle peut aussi bien frayer avec les républiques qu’avec les monarchies. Il prend soin de l’écrire lui-même à l’archevêque de Paris au lendemain des décrets contre les congrégations. Au Vatican, du reste, on est assez loin et assez haut pour apercevoir le tort presque irréparable que s’est pour longtemps fait le clergé français en se laissant bruyamment associer par le 16 mai 1877, comme par le 24 mai 1873, aux revendications des partis monarchiques. On sent que, dans un pays comme la France, où les révolutions ont coupé les racines souterraines de la monarchie, toute alliance de l’église avec les partisans des dynasties déchues tourne inévitablement contre elle, car, après la défaite, c’est toujours au clergé de payer les frais de la guerre. S’il ne tenait qu’à Rome, toute compromission de ce genre aurait depuis longtemps cessé : le Vatican ne se soucie point de voir le clergé s’infliger volontairement le supplice de Mézence ; mais, ici encore, bien que dans la majorité de l’épiscopat, Rome ait rencontré plus de prudente docilité qu’en Belgique, si ses efforts ont été déjoués, cela tient en partie à ce que, dans le clergé et parmi les laïques surtout, les catholiques ont été moins sages ou moins clairvoyans que leur chef.

Cette patience, cette longanimité du Vatican vis-à-vis de la France républicaine n’est point uniquement, comme on l’imagine parfois chez nous, une tactique hypocrite, inspirée par les nécessités du moment. Devant la marée montante de la démocratie, la papauté ne veut pas lier indissolublement sa cause à celle des monarchies. Depuis 1870, en tout cas, le saint-siège est personnellement beaucoup moins intéressé au maintien des trônes. S’il a des griefs contre les républiques, il n’a pas eu toujours à se louer des dynasties : laquelle n’a une fois chassé des moines et réprimé le clergé ? Depuis la perte du pouvoir temporel, depuis que le pape n’a plus sa place parmi les souverains, le Vatican redoute peut-être moins l’avènement de la république, au nord ou au sud des Alpes, que