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congrégations en leur faisant donner satisfaction au gouvernement de la république, sans affaiblir les droits juridiques et la situation légale des associions en cause. Ce moyen, on s’était flatté de le trouver dans une déclaration qui, de la part des ordres monastiques, n’était guère moins qu’une reconnaissance formelle de la république, un acte de loyalisme non sans analogie avec le serment imposé en certains états au clergé. Aussi pareil engagement excitait-il l’indignation des plus ardens zélateurs de l’ultramontanisme et soulevait-il la répulsion des politiques qui voulaient faire du catholicisme le patrimoine et l’instrument d’un parti. Si cette solution a échoué, c’est que, derrière le ministère responsable, se cachaient des influences ennemies de toute conciliation, systématiquement décidées à jeter la France dans un Culturkampf afin d’occuper l’humeur inquiète du pays, de donner aux appétits de la démocratie un os à ronger, de distraire les masses des grands problèmes politiques et économiques ; c’est qu’en réalité, le pouvoir effectif était aux mains d’hommes qui, par un spécieux calcul, professent que, dans un pays libre, il doit toujours y avoir une question, pour ne pas dire une plaie ouverte, et que la question religieuse est encore la moins périlleuse de toutes, la plus facile à faire traîner en longueur et la moins aisée à envenimer, la plus avantageuse pour le charlatanisme des empiriques en même temps que la moins grave pour la santé de l’état.

Les avances consenties par le représentant du pape ont beau avoir été repoussées et le saint-siège avoir ainsi inutilement froissé nombre de ses enfans ; les décrets de mars, qui ne semblaient d’abord qu’un épouvantail, ont beau avoir été appliqués au tranquille trappiste et au libéral dominicain, aussi bien qu’au remuant jésuite ; l’église enfin, menacée dans ses écoles, dans le recrutement de ses prêtres, dans ses moyens matériels d’existence, a eu beau se trouver en face de nouveaux périls, les zelanti de l’ultramontanisme, les fougueux prôneurs des anathèmes ont eu la douleur de ne pas voir les foudres romaines s’abattre sur la tête des « persécuteurs. » Le saint-père ne leur a même pas donné la consolation de retirer de Paris son représentant. Tandis que l’Italie laissait son ambassade en France vacante, le vicaire du Christ est demeuré en relations officielles avec la république française. Le nonce pontifical a, comme leur doyen, continué à offrir chaque année au président de la république les vœux des représentans des puissances, et, durant le court ministère du lu novembre, on a vu l’envoyé du pape, assis en face du ministre des affaires étrangères, présider de bonne grâce les dîners diplomatiques de l’auteur de la formule : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »

C’est qu’à l’inverse de certains conseillers, Léon XIII tient à ne