Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ne rien froisser, incapable de faiblesse, de prodigalité, d’engoûment, aussi bien que de colère, de ressentiment ou de mordantes saillies.

Ces différences entre les deux pontifes se font jour dans leur langage et leurs réceptions, dans leur administration de l’église et du palais apostolique non moins que dans leurs rapports avec les gouvernemens et les états. Pie IX, simple en sa personne, comme tous les papes modernes, aimait à entourer le saint-siège d’éclat et de magnificence. Il avait le goût royal de la pompe et du luxe des arts ; jaloux d’illustrer en tout son pontificat, il se plaisait à construire, à restaurer les monumens et les églises. Je connais peu de basiliques romaines, brillantes ou sombres, qui, dans les caissons dorés de leurs plafonds ou dans les marbres polis de leur pavage, ne montrent le lion dressé des Mastaï, et l’on sait que, non content d’achever les loges de Raphaël, Pie IX a osé ajouter une « chambre » aux stanze du peintre d’Urbin.

Elevé à la papauté à une heure de difficulté et de pénurie, privé d’une partie des revenus assurés à son prédécesseur par l’admiration des fidèles, Léon XIII a cherché dès le début à diminuer les charges du saint-siège, à régler ses finances sur les modestes ressources que lui fournissent le denier de Saint-Pierre et un budget d’aumônes. Administrateur vigilant et économe, il a supprimé les abus introduits sous l’indulgente vieillesse de son prédécesseur, réformant l’intérieur du Vatican, devenu tout son royaume, avec autant de soin qu’en mettait Sixte-Quint à gouverner l’état pontifical, introduisant partout l’ordre, la régularité, l’épargne, et, de cette tâche ingrate, recueillant de la part même des serviteurs du saint-siège moins de reconnaissance que de mécontentement. Il a réduit ou aboli les fonctions inutiles, diminué le nombre des sinécures, réformé le personnel du palais, rogné le traitement des prélats mis en disponibilité par la suppression du pouvoir temporel. Déjà, à son avènement, il avait refusé de donner aux gardes du Vatican la gratification d’usage, alléguant que, depuis qu’il vit de quêtes et d’offrandes, le saint-siège est tenu d’être parcimonieux. Il y a un potager au Vatican ; on assure que Léon XIII en a fait vendre les légumes au marché au lieu d’en laisser profiter les prélats du palais. Mettant de côté la plupart des dépenses de luxe, il a employé les minces revenus du saint-siège aux œuvres essentielles, à la lutte contre ses ennemis du dedans et du dehors, à la fondation d’écoles, à l’entretien des missions, à la presse qu’il ne dédaigne pas d’éclairer de ses communications et même parfois, dit-on, de morceaux de sa plume.

Pie IX, jusque dans son extrême vieillesse, aimait les audiences publiques ; il aimait à haranguer la foule des pèlerins qu’il animait