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consolidés, en hausse constante, ont dépassé le cours de 102 ; la Banque d’Angleterre n’a pas eu à élever le taux de son escompte à 6 pour 100 ; la détente dans le prix du loyer de l’argent a été assez sensible pour qu’on ait même commencé à parler d’une diminution possible à 4 pour 100. L’excellente attitude de la place de Londres a réagi naturellement sur notre marché en banque, où se traitent surtout les valeurs internationales, et qui a pu ainsi opposer au mouvement de réaction une résistance plus vigoureuse et plus efficace que le marché officiel.

La spéculation engagée sur une foule de fonds publics a vaillamment défendu les cours du 5 pour 100, qui ne perd en effet d’un mois à l’autre que 50 cent., et reste à 115.85 alors qu’il avait été compensé le 2 octobre à 116. 35. Les acheteurs ont pour eux le détachement du coupon trimestriel jeudi prochain, et la probabilité de grandes facilités de report. Quant aux deux rentes 3 pour 100, elles ont fléchi en octobre plus que le 5 pour 100, parce que la spéculation à la hausse a concentré tous ses efforts sur le fonds où elle avait ses principaux engagemens, et aussi parce que l’opinion publique considère avec raison que l’état de nos finances rendra nécessaire à bref délai l’émission d’un emprunt considérable. Malheureusement, on ne sait rien des intentions du gouvernement actuel. On ignore à quelle politique financière il se ralliera et tentera de rallier la chambre ; on ne sait quelles propositions il va faire pour le budget de 1883. Tout ce que l’on peut présumer, c’est que, la dette flottante s’accroissant démesurément, le jour où la nécessité d’un emprunt pour la consolidation de cette dette s’imposera à un cabinet quelconque, cet emprunt devra être émis, par suite du désarroi politique, à des conditions très peu favorables pour le trésor. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de rentiers se décident à vendre leurs inscriptions avec la conviction qu’ils les pourront reprendre à des cours plus bas au moment de l’émission.

Un fait plus significatif encore que la baisse des deux rentes 3 pour 100 est la dépréciation déjà très importante qui frappe, depuis quinze jours les actions de nos grandes compagnies de chemins de fer. Si nous comparons les prix de la dernière bourse avec les cours de compensation du 3 octobre, nous constatons que le Lyon a perdu 75 francs à 1,590, le Midi 60 francs à 1,175, le Nord 120 francs à 1,915, l’Orléans 75 à 1,240. Ce n’est pas seulement la spéculation à la hausse qui abandonne ses dernières positions sur ce groupe de valeurs ; c’est aussi le portefeuille qui réalise. L’incertitude qui règne sur les desseins du gouvernement à l’égard des grandes compagnies, et les menaces officielles de concurrence directe aux grands réseaux existans ont ébranlé la confiance que ce placement avait toujours inspirée aux capitalistes à travers toutes les vicissitudes, et même à travers les émotions du krach de janvier.