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Il ne déguise pas la réalité des choses. Il laisse au bey l’autorité nominale, une liste civile, les prérogatives et les honneurs attachés à la souveraineté ; il donne à la France le pouvoir réel, le droit d’établir des tribunaux français, de négocier la suppression des capitulations dont les étrangers peuvent se prévaloir dans la régence, de réorganiser l’administration publique et financière. Une des conséquences du nouveau traité est aussi que la France se charge de la dette tunisienne, qui peut d’ailleurs être largement compensée, sous une administration vigilante, par le produit des impôts. Ce n’est pas, si l’on veut, une annexion complète et définitive ; c’est du moins un protectorat assez étendu et maintenant assez défini pour que la suprématie française ne soit plus contestée. La seule difficulté était d’obtenir pour les nouveaux arrangemens l’assentiment des principales puissances de l’Europe ; ce n’était, à vrai dire, qu’une difficulté apparente ou peu sérieuse, puisque ces puissances sont depuis longtemps préparées à la transformation accomplie dans la régence méditerranéenne, et que les-plus grands cabinets ont été d’ailleurs pressentis avant la signature du nouveau traité. L’Allemagne, la Russie, l’Autriche n’ont élevé aucune objection. L’adhésion britannique, dût-elle coûter au sentiment anglais, ne peut plus guère être douteuse, et c’est ici précisément que la solution de cette question tunisienne se joint nécessairement aux affaires égyptiennes. On dira tant qu’on voudra qu’entre l’intervention de l’Angleterre en Égypte et l’établissement du protectorat français à Tunis, il n’y a aucune parité. C’est possible. Il n’est pas moins vrai que si la France, après avoir refusé un rôle dans les affaires d’Égypte, se montre aujourd’hui facile dans les négociations, c’est qu’elle a tout intérêt à mettre hors de doute sa position dans la régence, et que si l’Angleterre à son tour évite de créer des difficultés pour Tunis, c’est qu’elle a besoin qu’on ne lui en crée pas à elle-même en Égypte. Tout se tient. L’essentiel est que la France sorte enfin d’une affaire qui aura l’avantage, s’il ne survient quelque traverse nouvelle, de se terminer mieux qu’elle n’a commencé et qui a d’ailleurs coûté assez cher à notre politique.


Ch. de Mazade.