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l’altitude, et la manière dont elle intervient dans la plupart des grandes crises de la nature, sont encore mal connues[1].

Pour les orages, on sait au moins qu’ils marchent comme les bourrasques ordinaires, ce qui permet d’en signaler l’approche aux régions menacées. Longtemps on avait admis comme un axiome que les orages se formaient sur place. Pour un simple spectateur, un orage est un accident local, une sorte de drame isolé qui éclate à l’improviste, au milieu du calme trompeur des élémens ; un drame avec l’unité de temps et de lieu. Et pourtant, à plusieurs reprises, des enquêtes conduites avec un grand soin (comme celle de l’Académie des sciences sur le terrible orage à grêle du 13 juillet 1788) avaient révélé que ces météores nous viennent de la mer et parcourent nos pays dans la direction du sud-ouest au nord-est. En dépit de ces constatations réitérées, il a fallu que la télégraphie météorologique fût née pour qu’on se décidât à renoncer à un vieux préjugé.


IV

La prévision du temps à courte échéance, dans l’état actuel de la météorologie, est fondée sur l’interprétation des signes précurseurs des bourrasques : c’est essentiellement une affaire d’expérience personnelle, pour ne pas dire un art, car on n’a, pour se guider, que des règles empiriques. C’est toujours le baromètre, — le même instrument qui, en 1660, permit à Otto de Guericke d’annoncer à ses amis l’approche d’un ouragan, — c’est toujours le baromètre qui est notre principale source d’information ; seulement le télégraphe en a centuplé la valeur. Nous sommes loin du temps, pourtant si près de nous, où l’on se contentait de lire : beau fixe, variable, pluie, tempête sur l’échelle de son baromètre, tout en riant des déceptions qu’il vous causait. Aujourd’hui nous demandons le secret du lendemain à la disposition des isobares, qui sont comme un dossier d’enquête contenant les dépositions d’une centaine de témoins ; Lorsqu’elles s’arrondissent et se ferment autour d’une dépression, c’est une bourrasque qui nous arrive de la mer avec son cortège de pluie et de vents. Toutes choses égales d’ailleurs, nous savons que la menace est plus grave quand les isobares se montrent serrées autour de la tempête qui approche que lorsqu’elles s’écartent et se détendent alentour. En d’autres termes, la violence des vents est en raison de la pente atmosphérique, du gradient, comme on dit habituellement, car les isobares, qui sont

  1. Voir à ce sujet l’intéressante conférence de M. Spring publiée dans la Revue scientifique du 12 août.