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tumultueux en dehors du cône. C’est bien ce qui s’observe dans les tourbillons des cours d’eau, qui engloutissent les nageurs imprudens et même des barques légères, les entraînant jusqu’au fond et les laissant remonter à la surface un peu plus loin. Comme l’a dit le général Morin, les bateliers des grands fleuves connaissent ce danger et savent que le seul moyen d’échapper à sa perte, quand on est saisi par le tourbillon, est de se laisser couler vers le fond, où son action cesse à peu près de se faire sentir, puis de chercher à regagner, le plus loin possible, la surface de l’eau, en nageant horizontalement pour s’en écarter. Des expériences du même genre ont été encore entreprises par Œrsted et plus récemment par M. Lalluyeaux d’Ormay, par M. Hirn, parle docteur Andries ; quelques-uns de ces expérimentateurs ont constaté que, lorsque le fluide était mis en giratioo par le haut, le courant dans le tourbillon était ascendant.

Jusqu’à ce jour, ni l’expérience ni l’observation directe n’ont pu trancher la question de savoir si, à l’intérieur des trombes, tornades, cyclones et autres tourbillons semblables, le courant va de bas en haut ou de haut en bas. M. Faye soutient, contre les partisans de l’aspiration, que le mouvement est toujours descendant, même dans les trombes, et il attribue à une illusion d’optique, à un préjugé invétéré, l’opinion qui veut que les trombes marines pompent l’eau. Il semble assez difficile de concilier l’hypothèse d’un courant descendant avec les nombreuses relations qui prouvent que les trombes terrestres soulèvent et transportent à de grandes distances des corps très lourds : partout, ce sont des arbres arrachés avec leurs racines, des meules de foin emportées jusqu’aux nues, des hommes et des animaux enlevés, des débris de toute sorte semés à des distances de plusieurs lieues. La trombe de Hallsberg (1875) jette une machine à battre le blé par-dessus les ruines d’une grange ; celle de Moncetz (1874) soulève plusieurs personnes à 2 mètres du sol ; un scieur de long voit sa voiture à bras, laissée à quelques pas de lui, disparaître dans l’air par une ascension presque verticale. Il serait fastidieux d’énumérer tous les faits du même genre qu’on peut relever dans les ouvrages spéciaux.

Au reste, deux mouvemens de sens contraire pourraient bien coexister dans les tourbillons. « Dans le cratère de Saint-Paul, dit l’amiral Mouchez, où ce remarquable phénomène se reproduisait si fréquemment sous l’influence des rafales tombant du haut des montagnes et réfléchies sur les parois opposées, on voyait toujours des colonnes d’eau et de vapeur s’élever à 10 ou 30 mètres de hauteur et dessiner nettement l’axe de ces tourbillons, bien que la composante verticale eût évidemment une direction de haut en bas. » Quelques météorologistes ont essayé de concilier les opinions