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régularité ; on les évalue, en moyenne, à environ 30 millions et 40 millions par an. Au contraire, l’action destructive des météores se manifeste d’une manière assez capricieuse : de 1873 à 1877, le chiffre des pertes attribuées à la grêle varie de 47 à 152 millions ; la part de la gelée varie de 15 à 247 millions, celle des inondations de 6 à 150 millions. Ces chiffres donneront au moins une idée de l’importance relative des fléaux[1]. Pour la même période, le chiffre moyen des naufrages et accidens de mer est de 280 par an, et, une fois sur deux, il s’agit de navires perdus ; je pense qu’on ne sera pas loin de la vérité en évaluant le dommage matériel à 20 ou 30 millions. Pour l’ensemble de toutes les marines, le chiffre des pertes est environ dix fois plus fort, et l’on peut dire qu’en moyenne il se perd chaque année 1 ou 2 navires sur 100. En méditant ces chiffres, on comprendra sans peine que les avertissemens météorologiques destinés aux ports et à l’agriculture, s’ils contribuent tant soit peu à diminuer le nombre des sinistres, constituent assurément un service des plus importans.


I

Les affaires humaines sont tellement subordonnées aux caprices du temps que l’idée de demander à la science le moyen de les prévoir a dû se présenter de bonne heure aux esprits pratiques. Et, de fait, les notes laissées par Lavoisier et qui ont été récemment publiées, prouvent que ce grand esprit, aux vues lointaines, s’était déjà sérieusement préoccupé de l’organisation d’un système d’observations simultanées qui devaient conduire à la solution du problème. Lavoisier commence par rappeler une tentative qui avait été faite par Borda et qui constitue le premier essai de météorologie comparée : il avait fait observer pendant quinze jours, aux mêmes heures, des baromètres placés aux extrémités de la France, et la discussion des observations l’avait amené à soupçonner l’existence d’une corrélation entre la force, la direction des vents et les variations du baromètre notées dans un grand nombre de lieux éloignés les uns des autres. Frappé de l’importance des résultats qu’on pourrait obtenir en suivant le même plan, Borda proposa à quelques membres de l’Académie d’entreprendre en commun un travail plus étendu sur le même objet. Le premier point était d’établir, en un grand nombre de stations du globe, des baromètres exacts et comparables entre eux ; il y eut à ce sujet plusieurs conférences auxquelles assistèrent, avec Lavoisier, le chevalier d’Arcy, Vandemonde, Laplace, Montigny et d’autres académiciens. Un certain nombre de baromètres

  1. Annuaire statistique de la France, 1880.