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Je le répète, notre premier devoir est de songer à réduire la dette, et si on veut juger de l’importance de cette question, on n’a qu’à voir ce qui se passe autour de nous. — Nous sommes tous les jours témoins des efforts prodigieux que font les Américains pour éteindre leur dette. Après la guerre de sécession, elle montait à 15 ou 16 milliards et avait été contractée à des taux d’intérêt variables, dont le moindre était de 6 à 7 pour 100 ; elle est déjà réduite de près de moitié, et le taux d’intérêt n’est plus guère que de 3 1/2 pour 100. Jamais on n’avait vu pareil effort couronné d’un pareil succès. L’effort a été de maintenir des impôts qui ont donné chaque année 5 à 600 millions d’excédens et d’appliquer tous ces excédens à la réduction de la dette. Maintenant le succès a dépassé encore les espérances, car la dette a diminué, non-seulement de toutes les sommes qui ont été consacrées à la racheter, mais, plus encore, par suite des conversions successives que l’amélioration du crédit a rendues faciles, et qui ont permis de substituer un intérêt plus bas à un autre plus élevé. Les Américains n’avaient pas commis la faute d’emprunter comme nous en rentes perpétuelles, ce qui rend le rachat onéreux et le remboursement difficile. Ils avaient émis des bons à échéance rapprochée et à intérêt variable. Aujourd’hui, à mesure que ces bons arrivent à échéance, ou ils les remboursent avec les économies qu’ils ont de disponibles ou ils les convertissent en d’autres bons portant un intérêt moindre. Et la différence n’est pas seulement, comme dans nos pays d’Europe, de 1/2 et au maximum de 1 pour 100, elle est quelquefois de 2 pour 100. C’est ainsi qu’ils ont converti en 4 pour 100 des bons qui, primitivement, avaient été créés à 6, et en 3 1/2, les bons à 5 pour 100 ; de sorte que l’intérêt de la dette qui reste encore à payer a baissé dans une proportion plus forte que le capital lui-même. Mais capital et intérêts ne tarderont pas à disparaître. Chaque année, les espérances qu’on a pu former à cet égard sont dépassées. Il y a deux ans, le président Hayes évaluait à trente-sept ans le délai après lequel il n’y aurait plus de dette fédérale aux États-Unis ; aujourd’hui, en présence du résultat des deux dernières années, qui donnent à elles seules un excédent de plus de 1,200 millions, on déclare hautement que le siècle ne se passera pas avant que toute la dette soit éteinte. Audaces fortuna juvat, a-t-on dit des gens qui ne craignent pas de courir des risques pour chercher un grand profit. Les Américains ont été ces audaces en maintenant des impôts qu’ils auraient pu abolir et dont ils n’avaient pas besoin pour assurer l’équilibre de leur budget, entendu comme on l’entend chez nous, et la fortune les a récompensés outre mesure. Le taux de leur crédit s’est amélioré à ce point que tout leur est devenu facile. Avant la guerre, ils empruntaient à 6 et 7 pour 100, et