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quart de toute la population agricole. Quelques-uns des crus, surtout dans le Haut-Rhin, ont une réputation méritée et peuvent soutenir la comparaison avec le tokay et les meilleurs vins du Rhin. C’est à conserver et à améliorer la qualité de leurs produits que les vignerons alsaciens devraient s’appliquer plutôt qu’à en augmenter la quantité, comme ils ont depuis quelque temps tendance à le faire. Ils y avaient été amenés par l’espoir de soutenir la concurrence que leur faisaient, avant l’annexion, les vins du Midi. Impuissans aujourd’hui à lutter contre celle des eaux-de-vie frelatées de l’Allemagne du Nord, ils doivent chercher à se tirer d’affaire par des produits de qualité supérieure.

Dans la zone montagneuse, le fond des vallées est le plus souvent à l’état de prairies, dont 25,000 hectares seulement sont irrigués. C’est à peine la sixième partie de ce qui pourrait l’être, si, comme M. Herzog l’a fait au lac Blanc et au lac Noir, on établissait des barrages pour emmagasiner les eaux surabondantes de l’hiver, afin de les utiliser pendant l’été aux irrigations. Les pentes des montagnes sont en général couvertes de forêts dont l’étendue totale est de 295,250 hectares. Un tiers de celles-ci occupe dans la plaine les parties sablonneuses ou caillouteuses impropres à toute culture ; telles sont les forêts de Haguenau et de la Harth ; les deux autres tiers sont en coteaux ou en montagne. Sur les premiers, elles se montrent sous la forme de taillis de chênes et de châtaigniers ; mais, à mesure qu’on s’élève, apparaissent les hêtres, les épicéas et les sapins qui grimpent jusqu’au point où, la végétation arborescente venant à disparaître, il ne reste plus que des bruyères et des graminées sur les sommets arrondis. Vue à vol d’oiseau, la chaîne des Vosges, sur ses deux versons, offrirait aux regards un massif de forêts de 500,000 hectares formant une mer de verdure au milieu de laquelle se détachent en îlots d’un vert moins sombre les pâturages des hautes cimes. Ces pâturages, appelés chaumes, dont l’herbe est exceptionnellement savoureuse, sont fréquentés pendant l’été par les vaches des fermas voisines qui produisent ces fromages odorans connus sous les noms de munster et de génomé. Au prix de 160 francs les 100 kilogrammes que se vendent ceux-ci, chaque vache peut donner année moyenne un revenu de 250 francs à 300 francs.

Les forêts, autrefois inaccessibles faute de routes, ont acquis depuis quelques années une valeur considérable, et il n’est pas rare de rencontrer des massifs de sapins et d’épicéas qui valent jusqu’à 50,000 francs par hectare. Un grand nombre de ces forêts sont communales et contribuent par leurs produits à l’aisance des habitans. Malheureusement la grande densité de la population a eu pour effet