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1849, dernière année du règne des cornlaws, l’importation du froment (grains et farines) avait déjà notablement dépassé 20 millions de quintaux anglais (50 kil. 8), la moyenne de la période décennale avait été de 10 millions ; pendant une vingtaine d’années, jusqu’en 1869, le droit d’entrée est de 1 shilling, droit relativement insignifiant, la moyenne est de 29 millions de quintaux ; de 1870 à 1880, la taxe est complètement supprimée et la moyenne dépasse légèrement 51 millions, non sans maintenir sa tendance à l’accroissement : en 1879, le chiffre de 73 millions est atteint. Que le lecteur veuille bien avoir ces chiffres présens à l’esprit, en lisant ceux que nous allons donner sur la population. On estime, — car on ne possède pas de renseignemens authentiques sur cette importante matière, — que durant le siècle dernier le nombre des habitans de l’Angleterre proprement dite s’est à peine accru de 2 millions ; en 1801, nous le trouvons à 8,800,000 ; en 1821, il est presque de 12 millions ; en 1841, de 16 millions ; en 1861, de 20 millions, et le dernier recensement, celui de 1881, accuse un total de 26,968,000, soit bien près de 27 millions. La population a plus que triplé en quatre-vingts ans. Or on se rappelle que, dès 1801, le sol anglais ne fournissait plus tout le blé nécessaire à la consommation, il n’y avait pas donc à lui demander de nourrir les millions d’hommes qui sont venus en surcroit.

S’il s’agit d’expliquer cette rapide multiplication des habitans des Iles-Britanniques, nous sommes obligé de dire que le sol y est cependant pour beaucoup, non par le blé qu’il produit, mais par le charbon, le fer et les autres minéraux qu’il recèle. La véritable cause du progrès de la population anglaise a été la machine à vapeur, invention qui a valu aux nations civilisées un accroissement d’au moins cent millions d’âmes et qui n’a pas encore épuisé sa force d’impulsion. C’est bien évidemment son industrie florissante qui a permis à l’Angleterre d’attirer de partout le blé nécessaire à sa consommation,. et tant qu’elle sera riche, elle n’aura pas à craindre de mourir de faim ; mais des momens difficiles peuvent survenir : qu’on pense seulement à la guerre, et alors elle en sera réduite aux produits de son propre sol. Devra-t-elle désespérer d’en tirer l’indispensable ? La Grande-Bretagne est pourtant un pays qui sait cultiver, qui possède de grandes ressources en capitaux et qui, le cas échéant, ne reculerait devant aucune dépense. On n’a qu’à comparer quelques passages de l’ouvrage de Tooke et Newmarch sur l’Histoire des prix, avec un petit tableau extrait d’un récent livre de M. James Caird sur l’Agriculture et la Production des matières alimentaires, pour que toute illusion se dissipe. On verra que les plus grandes autorités en ces matières, quelque prononcé