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enclaves appartenant à des exemples du séquestre; poursuivre l’expropriation de 40 hectares destinés à l’assiette du village et qui ne comprenaient pas moins de neuf cents parcelles. » L’on s’étonnera ensuite que les Arabes n’aient pas pour nous une ardente affection. Supposez que l’on vienne en pays normand ou languedocien exproprier les petits propriétaires de neuf cents parcelles pour donner leurs terres à d’autres, pouvez-vous penser que l’ordre de choses qui commettrait des actes aussi impolitiques et aussi violens ne susciterait pas contre lui une haine éternelle? D’autres fois, c’est à de grands propriétaires que l’on s’adresse et auxquels on voudrait prendre tout leur patrimoine. Un indigène des plus notables, Sidi-Braham-ben-Mohamed-el-Ghobrini, chevalier de la Légion d’honneur et dont le père et l’oncle ont été, l’un chevalier, l’autre officier du même ordre, vient d’adresser aux chambres une pétition où il expose qu’il possède aux environs de Cherchell 800 hectares de terres, que l’administration veut les lui enlever complètement pour y installer un centre européen, en lui offrant ou lui imposant une indemnité qu’il juge dérisoire. Il ajoute qu’il offre de céder gratuitement 60 ou 80 hectares, pourvu qu’on lui laisse le reste. Le rapport du secrétaire-général est rempli de détails topiques sur l’œuvre systématique que nous poursuivons si maladroitement depuis deux ou trois ans en Algérie. « Par suite des nombreuses formalités qu’entraîne la procédure d’expropriation, lit-on à la page 12, les centres de Tigzirt, Dra-ben-Khedda, etc. (on en cite cinq) ne pourront être livrés au peuplement que vers la fin de l’année. » Comment sont composés eu Algérie les jurys d’expropriation? Nous l’ignorons, mais à coup sûr les indigents n’y figurent pas ou n’y forment pas la majorité. Comme les droits sur la terre sont en général chez les Arabes très obscurs ou enchevêtrés, il en résulte que l’indemnité d’expropriation est d’ordinaire déposée à la Caisse des dépôts et consignations, où elle reste pendant plusieurs années. L’Arabe ou le Kabyle perd à la fois son bien et son argent. Il est obligé souvent de travailler sa propre terre à titre de serviteur à gages ou de la prendre comme fermier, payant un loyer pour ce qui lui appartenait en propre. Quand elle est payée, l’indemnité, qui est fixée par un jury administratif dont l’impartialité et la compétence sont douteuses, est généralement inférieure à la valeur de la terre. Elle ne s’élève guère à plus de 50, 100 francs ou 150 francs par hectare en culture. Les documens officiels fournissent la preuve de la disproportion entre la valeur vénale et l’indemnité. « L’agrandissement du centre de Mondovi, dit le secrétaire-général du gouvernement, ne pourra être exécuté dans les conditions où il avait été projeté : l’acquisition par un Européen de la propriété Ben-Larguach à un prix bien supérieur aux évaluations de la commission des centres