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sera comblée dans deux ou trois ans, quand sera achevée la ligne de l’Alma à Sétif. Il est probable qu’on pourra se rendre alors en chemin de fer de Tunis à la frontière du Maroc. Voilà le résultat qu’on aura obtenu cinquante-cinq ans après que le premier soldat français aura débarqué sur les côtes de Barbarie. Quand on pense que les Anglais se montrent fiers des 13 ou 1 4,000 kilomètres de chemins de fer qu’ils ont aux Indes, pays qu’ils possèdent en maîtres incontestés depuis près d’un siècle et demi et qui contient une population quatre-vingts fois plus nombreuse que celle de l’Algérie, nous ne pouvons vraiment être humiliés de ce que le réseau algérien atteint ou dépasse même le dixième du réseau indien. Notre colonie si jeune a relativement plus de chemins de fer que l’Hindoustan. Les voies ferrées nouvelles, sauf celle d’Alger à Constantine, qui n’est pas encore achevée, ont une direction autre que les premières. Elles ne sont plus parallèles à la mer ; elles lui sont perpendiculaires. La ligne d’Arzew à Saïda, prolongée jusqu’à Méchéria, en passant par le Kreider, pénètre à 352 kilomètres de la Méditerranée et non-seulement gravit les hauts plateaux, mais s’enfonce même dans le Sahara. Le rameau d’El-Guerrah à Batna, qui a 80 kilomètres de longueur, sera livré à l’exploitation dans le courant même de cette année ou dans les premiers mois de l’an prochain. La compagnie de l’Ouest algérien, concessionnaire de la ligne du Tlélat à Sidi-bel-Abbès, en construit une autre de 100 kilomètres qui, s’avançant jusqu’à Raz-el-Mah, formera un second chemin d’accès sur les hauts plateaux de la province d’Oran. Plusieurs lignes qui n’avaient été concédées qu’éventuellement vont l’être à titre définitif. Deux compagnies montrent une particulière et louable activité dans ces entreprises : ce sont les sociétés de Bône à Guelma et de l’Est algérien ; elles n’hésitent pas à se charger de voies nouvelles ; elles construisent avec rapidité et exploitent, autant qu’on en peut juger, avec économie. La compagnie de Bône à Guelma, qui est la plus ancienne et qui a modestement débuté par un petit chemin de fer d’intérêt local, termine le tronçon de Soukharras a Sidi-el-Hemeci et va relier son réseau algérien à ses lignes tunisiennes. C’est en Tunisie surtout qu’elle semble maintenant devoir porter ses efforts. L’Est algérien, outre la grande ligne de Constantine à Alger, aujourd’hui ouverte seulement jusqu’à Sétif, va construire un embranchement sur Bougie et d’autre part pousser jusqu’à Biskra sa ligne du sud, qui primitivement devait s’arrêter à Batna. Dans quatre ou cinq ans, l’Algérie possédera trois lignes ferrées de pénétration, gravissant les hauts plateaux, et pour deux au moins, s’enfonçant jusque dans le Sahara; Oran à Raz-el-Mah par Sidi-bel-Abbès, Arzew à Kralfalla et à Méchéria, enfin Philippeville et Bône à Biskra par le Kroub et Batna.