Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/770

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup de temps avant que nous ayons en Afrique, soit à l’est, soit à l’ouest, un voisin européen solidement établi. D’ici là, si nous savons bien gouverner les territoires que nous avons occupés, la population de race espagnole ou italienne qui résidera dans notre Algérie n’éprouvera plus aucune attraction pour une autre nationalité que la nôtre.

Les mariages mixtes, les naturalisations et l’école, tels sont les instrumens divers dont nous disposons pour nous assimiler peu à peu les colons étrangers. Jusqu’ici aucun de ces instrumens n’a été aussi efficace qu’il aurait pu l’être; ils ne laissent pas cependant que d’exercer quelque action. Sur 2,988 mariages contractés en Algérie dans la population européenne en 1880, on en compte 1,378 entre Français et Françaises, 1,147 entre étrangers européens et étrangères, 329 entre Français et étrangères, 123 entre étrangers et Françaises, 5 seulement entre Européens et musulmanes et 6 entre musulmans et Européennes. Quoiqu’elle pût être plus favorable, cette situation est cependant satisfaisante. Le nombre des mariages mixtes entre Français et étrangers s’élève à 452, soit plus du tiers du chiffre des mariages entre étrangers. Que le père seul soit Français ou que la mère seule soit Française, les enfans deviennent Français soit par la loi, soit par la langue, soit par les mœurs. Ainsi se forme une génération de créoles qui réunit les divers élémens européens et qui, le temps aidant, finira par faire le bloc principal de la population coloniale. Les naturalisations contribuent au même résultat avec une moindre énergie ; il semble cependant qu’elles aient une tendance à s’accroître. De 1863 à 1874, elles n’avaient été qu’au nombre de 2,612, soit une moyenne annuelle de 261; en 1875, on en compte 582; en 1876, 314; 294 en 1877, 227 en 1878, 417 en 1879 et 525 en 1880. Les musulmans indigènes ne figurent dans ces nombres que pour un chiffre bien faible: 18 seulement en 1880. Ce sont les Allemands et les Italiens qui fournissent la part la plus considérable. En 1880, on a naturalisé 218 Allemands, 101 Italiens, 99 Espagnols seulement, 26 Suisses, 17 Anglais ou Anglo-Maltais, 10 Belges et 9 Luxembourgeois. Parmi ces 525 étrangers naturalisés dans le courant de cette année, il s’en rencontre 209 qui ont acquis la naturalisation sans passer par les formalités que prescrit le sénatus-consulte de 1865, notamment 131 individus nés en Algérie d’un étranger et 73 Espagnols ayant opté pour le service militaire en Algérie. Il conviendrait de rendre la naturalisation de plus en plus facile; on pourrait aussi multiplier les cas de naturalisation de plein droit; imitant certaines puissances, comme l’Angleterre, on devrait déclarer Français tout individu ne d’un étranger en Algérie et ayant habité notre colonie jusqu’à sa majorité. Les contrées nouvelles ne sauraient, pour les