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toute la durée de leur peine. L’aspect de tous ces enfans n’est pas sensiblement différent de celui que présentent la plupart des enfans dans nos écoles correctionnelles en France. Cependant j’ai cru remarquer sur la figure d’un grand nombre d’entre eux la flétrissure, hélas ! presque ineffaçable qu’impriment sur les jeunes visages de précoces souillures. Je ne me suis pas trompé dans cette triste supposition, et, à voix basse, l’on m’a confié que, trop souvent, ces enfans arrivaient à l’école de réforme après avoir été complices et victimes de monstrueuses débauches, devant la répression publique desquelles la justice s’arrête même en partie, par la crainte du scandale. Toute grande ville a ses plaies secrètes ; mais la corruption de l’enfance est certainement l’une des plus tristes, et je comprends que la charité des citoyens de Philadelphie, centre charitable et religieux très actif, s’occupe particulièrement de la guerre.


NEWPORT ET PROVIDENCE.

30 octobre-1er  novembre.

Impossible d’imaginer une transition plus brusque que celle de Philadelphie à Newport, où nous sommes arrivés le matin, de bonne heure, sans même nous arrêter à New-York, dont nous n’avons fait que traverser la rade, la nuit, en bateau. Philadelphie est une ville industrielle, affairée, bruyante, à l’aspect à la fois grandiose et négligé, plus vraiment américaine peut-être que New-York, qui a déjà un certain caractère cosmopolite. Newport est, au contraire, un endroit coquet, soigné, fashionable par excellence. Newport est, comme on sait, le grand bain de mer des États-Unis. À vrai dire, je ne devrais pas en parler. Que dirait-on d’un Américain qui parlerait de ses impressions sur Trouville, qu’il aurait visité au mois de novembre par une pluie battante ? C’est dans ces conditions que j’ai visité Newport. Néanmoins j’ai eu là, en quelque sorte, la divination d’une vie américaine, raffinée, brillante, luxueuse, un peu frivole peut-être, et par tous ces points tout à fait semblable à celle que nos jeunes femmes françaises mènent pendant quelques semaines sur les côtes de Normandie, avec cette seule différence qu’à Newport cette même vie dure plusieurs mois et qu’elle finissait à peine quand nous sommes arrivés. Il ne m’a pas fallu un grand effort d’imagination pour me représenter ces grandes avenues droites sillonnées de voitures, de cavaliers et d’amazones ; ces belles villas environnées de fleurs, avec leurs serres remplies de plantes rares ; ces pelouses vertes peuplées de jeunes filles se livrant aux délices du lawn tennis ;