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du duc à Françoise, qui s’était toujours refusée à les croire. Comme dernier coup de massue, Catherine affirma qu’elle avait défendu à son premier médecin, M. Salon, de saigner Françoise, et qu’il lui avait répondu qu’appelé deux fois par elle il s’y était toujours refusé, prétextant « ne pouvoir trouver la veine. »

Marguerite de France, devenue duchesse de Savoie, ne pouvait être que défavorable à Françoise ; elle dit que le duc de Nemours lui avait avoué qu’il n’épouserait pas Mlle de Rohan. Le cardinal de Lorraine était trop habite, trop circonspect pour se montrer hostile à Françoise ; sa déposition fut insignifiante. Quant au connétable de Montmorency, froidement accueilli par le jeune roi qui lui avait conseillé le repos, et jaloux à l’excès de l’autorité prise par les Guises, il soutint ne rien savoir, ne rien se rappeler. La connétable se montra non moins réservée. La déposition qu’allait faire Diane de Poitiers excitait vivement la curiosité. Une première fois, elle fit défaut ; les délégués de l’évêque furent obligés d’aller la trouver, le 8 août, au château de Limoux. Chassée de la cour par Catherine, mise en demeure d’échanger le château de Chenonceaux contre celui de Chaumont, et reparaissant pour la première fois sur la scène depuis la mort de Henri II, qu’allait-elle répondre ? Belle-mère du duc d’Aumale, elle ne pouvait prendre parti contre le duc de Nemours ; d’un autre côté, haïssant Catherine comme elle la haïssait, elle ne pouvait non plus trop charger la pauvre Rohan. À l’exception de la constatation de grossesse que la reine avait exigée, elle prétendit ne se rappeler aucun des propos tenus par Catherine à Françoise, elle affecta de ne rien connaître. Ambroise Paré comparut le dernier ; il avait alors vingt-six ans et demeurait rue des Augustins, à l’hôtel des Rois Mages. Voici en quels termes il déposa : « Connaissant Françoise de Rohan depuis de longues années, elle m’avait prié de venir la saigner, et m’étant rencontré à sa porte, le 26 juillet, avec Salon, le médecin de la reine, celui-ci me dit qu’il avait refusé de la saigner, mais sans m’en donner la raison. Entrés tous deux chez Françoise, Salon répéta qu’il ne la saignerait pas ce jour-là, et tous deux nous nous retirâmes. »

Les procès, à cette époque, marchaient à pas comptés ; le 7 mars 1560 seulement, Françoise assigna le duc devant l’official. À cette date, la cour, ne se croyant pas en sûreté à Blois, s’était réfugiée à Amboise. On parlait vaguement d’une conspiration sans en soupçonner encore toute la portée et l’étendue. Lorsque les conjurés u vinrent à la file donner dans le filet, » ce fut le duc de Nemours qui fit prisonnier le baron de Castelnau et les principaux chefs protestans.

Ces graves événemens interrompirent forcément les poursuites commencées ; mais elles avaient eu un tel retentissement que la