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pas de dire qu’il quittoit la partie, et il restoit à deviser avec sa préférée. »

Durant un des séjours de la cour à Saint-Germain, Françoise étant tombée malade, le duc accourut tout aussitôt. Obligé de la quitter avant qu’elle fût complètement rétablie, il lui écrivit : « Je vous obéirai en ce que vous m’avez commandé dans votre lettre ; je vous manderai de mes nouvelles, qui ne sont, sinon que je suis en grand peine pour votre mal, car vous me mandez qu’il vous est empiré. Je serai bien aise que vous vous portiez bien, quand j’arriverai à Fontainebleau, car vous ne sauriez être tant en peine de votre mal que moi. » Dès qu’il fut libre, le duc revint donc rejoindre Françoise à Paris ; il la suivit à Fontainebleau, à Champ-sur-Marne, lui envoyant chaque soir son propre lit de camp, de crainte qu’elle ne fût mal couchée. Lors des fêtes données à Fontainebleau pour les noces de Jeanne de Savoie, sa sœur, avec le comte de Vaudemont, il se montra de plus en plus attentif et assidu ; mais soit défiance, soit respect d’elle-même, Françoise évitait toujours les occasions de se trouver seule avec lui. Le duc lui en faisait de tendres reproches : « Vous ne vous êtes jamais voulu fier tant en moi, écrivait-il, que de me donner la commodité de pouvoir parler à vous en votre chambre, où j’ai eu quelquefois cet honneur de vous faire certaine de l’opinion que j’avois en votre endroit, mais quand vous me ferez ce bien que vouloir souffrir que j’y aille, comme vous pouvez bien faire à cette heure que la reine à qui vous craignez tant de déplaire en choses telles que celles-là n’y est point, je vous ferai connaître que vous êtes la chose de ce monde que j’aime et que j’estime le plus. »

Au lendemain des fêtes de Fontainebleau, Diane de Poitiers invita toute la cour à Anet et, pour complaire à Françoise de Rohan elle se donna bien garde d’oublier le duc de Nemours. La maîtresse de Henri II approchait alors de la soixantaine ; ne se fiant plus autant à ses charmes, elle cherchait par d’autres séductions à retenir son royal amant. Henri II était le plus passionné des veneurs ; sa chasse favorite était celle du cerf, il suivait la bête à travers les bois, sans tenir compte ni de la fatigue ni de sa vie. Empruntant la baguette magique de Philibert Delorme, Diane avait transformé Anet en un délicieux rendez-vous de chasse : en face du château, une vaste galerie avec des chenils pour les chiens, des volières pour les faucons ; l’horloge rappelait une scène de chasse : un cerf de bronze pressé par les chiens, d’un bout de son pied faisait sonner l’heure. C’était bien le paradis d’Anet, ainsi que l’a nommé le poète Du Bellay. Une fois la semaine, on chassait le cerf. Le duc de Nemours, compagnon inséparable de Mlle de Rohan galopait à ses côtés et veillait sur elle. Une fois entre autres